Le 12 septembre 1963, le salon de Francfort présente une multitude de nouveautés. Parmi elles, une jeune marque alors âgée de 15 ans dévoile une voiture qui va devenir l'icône de la sportivité. En quelques chiffres : plus d'1,25 million de voitures vendues, plus de 20 000 victoires en courses. À vrai dire, seule la Corvette, techniquement aux antipodes aussi bien en performances qu'en châssis, a de quoi faire partie de cette caste de sportives éternelles.
Les débuts : remplacer la 356
1963/1973 - 111 995 voitures produites
À la fin des années 50, Porsche veut remplacer une 356 certes performantes mais la volonté est de proposer un coupé 4 places. Le but étant d'aller séduire les États-Unis où une certaine Volkswagen (la Coccinelle) équipée d'un moteur 4 cylindres à plat en porte-à-faux arrière conçue par Ferdinand Porsche, fait un carton. L'idée est de garder la même architecture moteur mais avec un moteur 6 cylindres à plat. Deux propositions sont alors proposées à l'état-major de Porsche : un coupé 2+2 signé par Ferdinand Alexander Porsche, surnommé « Butzi », le petit-fils de Ferdinand, et un autre coupé plus contemporain dessiné par Erwin Kowenda, à qui l'on doit tout de même la Coccinelle et différentes déclinaisons de la Porsche 356. Autant vous dire qu'à cette époque, ce dernier est une superstar au sein de la marque. C'est finalement la solution « Butzi » qui sera retenue pour figurer au salon de Francfort de 1963 sous le nom de 901 (ce numéro qui représente les 3 chiffres de références de pièces communes entre Porsche et Volkswagen alors en réorganisation à cette époque). Ce coupé interpelle immédiatement la presse et le grand public par son style novateur. Son moteur 6 cylindres à plat est conçu par Ferdinand Piëch et développe 130 ch. Ce nom, vous le connaissez bien. Après avoir fait gagner Audi en rallye dans les années 80 (la Quattro), ce même Monsieur a pris les commandes du Groupe Volkswagen dans les années 90 (rachat de Skoda, Seat, Bentley, Lamborghini et même Porsche) et a fait de Volkswagen Group ce qu'il représente encore aujourd'hui. Pour rappel, 1963, c'est l'année où naissent les Ford Mustang, la Lamborghini Miura, où Bruce McLaren se lance en Formule 1, et où Maserati lance sa première Quatroporte, bref… l'année où le monde de l'automobile sportive est en effervescence. Pour Porsche, la 901 représente l'avenir de la marque. Mais Peugeot fait valoir ses droits. Depuis des décennies, la firme sochalienne a déposé le 0 au milieu de 2 chiffres. Au salon de Genève 1964, la 901 devient 911. Pourquoi ? Tout simplement parce que le constructeur devant changer le nom de sa sportive à la hâte se rend compte qu'il dispose plus de 1 que de 9 en logos produits (le pragmatisme d'Outre-Rhin !). Celle qui représente aujourd'hui plus d'1,2 million de voitures produites est née comme cela. Elle interpelle, mais ne fait pas encore l'unanimité. Les journalistes de l'époque regrettent alors la sonorité du moteur 4 cylindres à plat de la 356 face à celui du tout nouveau bloc « Flat 6 » (dont la mélodie est devenue légendaire depuis). Les ventes ne décollent pas tout de suite. À la fin de sa première année de commercialisation, seulement 232 voitures sont vendues et ce malgré la baisse de son prix de vente à 23 900 marks allemands (soit 88 000 francs de l'époque ou 13 000 euros de nos jours). Dans ce contexte, la 911 est plus chère que le reste de la production mais elle va plus vite, est plus fiable et reste très accessible pour rouler tous les jours. L'année d'après, les ventes de la 911 décollent et le constructeur améliore sa sportive. En 1965, avec l'arrivée de la toute première 911 découvrable, la Targa qui se caractérise par son arceau en aluminium, Porsche connaît de plus en plus de succès. En 1967, le constructeur a vendu plus de 10 700 911 dans le monde. L'apogée de cette première génération de 911 (que l'on appelle la Classic) correspond à l'arrivée du modèle 2,7 litres RS. Reconnaissable facilement grâce à son aileron arrière en queue de canard, ce modèle ne pèse que 900 kg, affiche une puissance de 210 ch, 100 km/h en 5,8 secondes et peut atteindre 245 km/h.
La Type G : les questions…
1973/1989 - 198 496 voitures produites
Dans les années 70, Porsche a besoin de faire évoluer son plan produit avec des sportives à moteurs avant. On les appelle aujourd'hui PMA (Porsche Moteur Avant). C'est là que naissent les 924, puis 944 et la grosse GT 928 dotée du premier V8 maison. Le patron de Porsche, Erst Fuhrmann, pense que la 911 doit disparaître peu à peu. Pourtant le modèle évoluant avec des versions hors du commun comme la 930 turbo, première du nom dotée d'un turbo compresseur assez puissant pour lui octroyer 300 ch en 1978, continue d'animer une clientèle de puristes. Son successeur, Peter Schutz, voit les choses autrement et au début des années 80, alors que le plan produit de Porsche donne l'avantage à des architectures à moteur avant, la 911 doit survivre, évoluer et rester à jamais dans l'ADN de la marque. Alors que la Type G doit être arrêtée, lors d'une réunion sur le plan produit, il trace une ligne allant au-delà de tous les autres modèles existants et prévus pour la marque. La 911 doit vivre !
La 964 : la modernisation
1988/1994 - 63 762 voitures produites
En 1989, alors que le freinage ABS et la direction assistée équipent la plupart des sportives modernes, la 911 type 964 ajoute la possibilité d'avoir 4 roues motrices. Un héritage des nombreuses victoires du Paris-Dakar mais aussi du véritable laboratoire technologique que représente la supercar maison de l'époque : la 959. Aujourd'hui, une Type 964, quelle que soit sa version, est devenue un must en occasion. La raison ? C'est la 911 la moins produite de toute l'histoire. Elle offre la modernité de son époque et conserve le charme « old school » des générations qui la précèdent.
La 993 : la dernière « vraie » 911 ?
1993/1998 - 68 881 voitures produites
Courte carrière pour la Type 993. Justement, au même titre qu'Apple Computer, en 1993, Porsche connaît la pire période de son histoire. Défaut de rentabilité, la 944 est remplacée par une 968, dotée de phares de 928, qui ne retient pas l'attention (elle est, de fait, un collector aujourd'hui pour son châssis et sa fiabilité). Pour les collectionneurs, cette génération de 911 est sans doute l'une des plus recherchées. Plus encore que sa devancière car encore plus moderne sur la route tout en restant rétro à l'intérieur. De plus, son design extérieur est considéré comme étant le tout dernier coup de crayon qui soit encore proche de la toute première 911. La Type 993 représente à cette époque la principale vente de la marque (la 928 arrive en fin de vie et devient trop chère face à des Nissan 300 ZX), le constructeur débauche un ingénieur de chez Toyota pour rationaliser sa production.
La 996 : le sauvetage
1997/2005 - 175 262 voitures produites
Les résultats ne se font pas attendre bien longtemps avec l'arrivée de la 911 Type 996. Nous sommes en 1997. Le Boxster, roadster d'entrée de gamme qui partage plus de 40 % de ses pièces avec la nouvelle 911, fait un carton dans un contexte mondial où la bulle Internet atteint des sommets. C'est aussi le cas de l'action Porsche, alors remis à flot. La 996 utilise désormais un moteur à refroidissement liquide rendant sa sonorité moins « jubilatoire » que la génération précédente (refroidit par air). Les puristes s'accordent encore aujourd'hui sur le fait qu'il s'agit là de la « mal aimée » des 911. Pourtant, les évolutions techniques sont telles que le constructeur signe un record de vente pour cette 911 : plus de 175 000 exemplaires ! Cette version parvient à obtenir des puissances et des performances sur la version Turbo qui peuvent être comparables à celles de la 959 (4 roues motrices, biturbo, suspension pilotée, 0 à 200 km/h en 14 secondes seulement). C'est d'ailleurs sur cette génération que le département GT3 fait son apparition sous le patronage d'Andreas Preuninger, toujours aux commandes aujourd'hui et à qui l'on doit toutes les 911 GT3 jusqu'à la toute dernière version RS que nous avons essayé pour vous.
La 997 : le renouveau
2004/2012 - 213 004 voitures produites
Alors que les comptes sont au vert depuis la fin des années 90 et que le Cayenne permet à la marque de s'ouvrir enfin aux familles (le projet date de la fin des années 80), la 911 Type 997 devient plus luxueuse à son bord, s'agrandit et gagne surtout en comportement. Alors que toutes les 911 à propulsion sont connues pour le louvoiement du train avant lors de fortes accélérations ou à haute vitesse, la 997 se montre plus facile que jamais. De quoi la rendre plus accessible aux novices. Plus besoin d'aller chercher une Carrera 4 (4 roues motrices) pour se sentir en sécurité par temps pluvieux. L'arrivée de la boîte robotisée PDK (double embrayage) sur la phase 2 permet de gagner en performances et d'abaisser les consommations à faible allure. Même si à cette époque on ne parle pas encore de CO2, la 911 est la grande sportive qui consomme le moins sur le marché.
La 991 : la consolidation
2011/2019 - 233 540 voitures produites
Comment faire mieux ? C'est la question que nous nous sommes posée lors de l'essai de la Type 991. Plus imposante que jamais face à une 911 Classic, cette génération était comparable à une grande GT comme l'avait été la 928, mais elle est plus légère que la précédente génération. Elle inaugure de nombreuses nouveautés comme les roues arrière directrices rendant la voiture plus agile sur route et plus maniable en ville, notamment sur les versions GT3 (dont le nouveau moteur autorise un régime poussé à 9 000 tr/mn !). En 2017 sort la 911 GT2 RS avec une puissance de 700 ch. La Porsche de série la plus puissante de l'histoire avant l'actuelle Panamera Turbo S hybride. C'est la Phase 2 de cette Type 991 qui va créer une révolution car elle inaugure le nouveau moteur 3 litres biturbo et signe donc la fin du moteur atmosphérique sur les 911 (sauf la GT3). Seul bémol, le moteur turbo n'offre plus du tout la sonorité du bloc originel. Aujourd'hui, la 991 Phase 1 est donc très prisée en occasion. Pour les « Porschistes », c'est un peu la dernière 911 à offrir une belle sonorité.
La 992 : luxueuse et techno
Depuis 2019
Avec l'arrivée de la 992 au look finalement assez proche de la 991, Porsche passe à une étape plus « tech » que les générations précédentes. En dehors de quelques rares modèles, le levier de vitesses disparaît pour laisser la place à un petit levier (que l'on retrouve aujourd'hui chez la plupart des constructeurs, même généralistes) qui fait d'ailleurs penser à un rasoir électrique. Le reste de l'habitacle de la 911 conserve toutefois l'esprit des modèles Classic avec sa planche de bord verticale et malgré des écrans qui viennent remplacer le combiné d'instrument, on retrouve la forme des 5 cadrans dont le central conserve (c'est heureux) un compte-tour analogique (contrairement à ceux de Ferrari désormais numériques). Les écrans sont très présents car si la 991 embarquait de nombreux boutons, la 992 n'en a presque plus. Pour le reste, la voiture a grandi mais ne laisse pas pour autant plus de chance aux éventuels passagers arrière.
Essais
Des 992 qui vont marquer l'histoire
Parmi les modèles de la toute dernière génération de 911, certains sont vraiment exceptionnels. D'ailleurs, les amateurs le savent et ceux qui le peuvent n'hésitent pas à se jeter sur les séries spéciales ou limitées. C'est justement le cas de ces petites perles rares que nous avons eu l'occasion d'essayer.
La 911 Dakar - la plus dingue des 911 !
Lors du dernier salon de Los Angeles, Porsche crée la surprise avec une 911 un peu particulière. Elle est surélevée, chaussée de pneus tout-terrain et bénéficie sur son toit de tout un système de galerie de toit permet de loger des bagages supplémentaires ou encore du carburant additionnel tout en étant équipé d'une rampe de feux à LED haute portée. Cette 911 Dakar rend hommage à la 911 SC qui gagnait l'épreuve en 1984 avec une décoration extérieure aux couleurs d'une marque de cigarette. Pour la nouvelle 911 Dakar, le constructeur propose une décoration similaire (le nom a toutefois été changé) pour la somme de 26 000 euros. De l'extérieur, cette 911 Dakar est impressionnante, surtout si l'on opte pour sa galerie de toit (également en option autour de 6 000 euros). Pour le reste, nous sommes face à une version qui bénéficie de nombreuses protections de carrosserie et des trains comme le serait un tout-terrain. À bord, le traitement est également spécifique avec des sièges très enveloppants et uniquement à l'avant afin de gagner un peu de poids car cette grosse machine dépasse la tonne 6 sur la balance ! Mais son moteur fait le reste avec une puissance de 480 ch pour 570 Nm de couple, le tout associé à une boîte PDK (double embrayage) à 8 rapports et, bien entendu, 4 roues motrices. Comme la plupart des 911, cette Dakar affiche un 100 km/h en 3,5 secondes seulement. Sur route, elle impressionne par sa précision, même si avec les pneus tout-terrain, il faudra composer un peu en entrée de virage serré et prévoir une légère glisse. Ce qui nous a vraiment épaté sur cette voiture ? C'est sa capacité à faire comme ferait un Porsche Cayenne, c'est-à-dire s'attaquer à des chemins parfois bien dégradés et à des allures assez élevées. Le constructeur nous avait, à cet effet, fermé tout un domaine au beau milieu de l'Auvergne afin de pouvoir évoluer en toute sécurité. Cette 911 Dakar bénéficie d'un mode Rallye qui permet justement de bénéficier d'une hauteur de suspension adéquate et de rendre les aides à la conduite plus permissives. À l'arrivée, cette 911 Dakar fait sans doute partie des sportives les plus hallucinantes que nous ayons eu la chance d'essayer. Pouvoir faire la même chose qu'un 4x4 en roulant aussi vite qu'une 911, franchement, qui aurait imaginé mieux ? Porsche planchait sur le sujet depuis 11 ans avec le projet 911 Safari (Tata Motors étant détenteur du nom, les choses ont un peu traîné). Finalement, le nom de Dakar ira parfaitement aux 2 500 exemplaires qui seront produits, tous déjà vendus au tarif de 226 689 euros (sans les options et les 50 000 euros de malus).
La 911 GT3 Touring - la discrète
Il y a tout juste 2 ans sortait la 911 Type 992 dans sa version GT3. Cette sportive de haut niveau affiche un look très voyant avec des entrées d'air béantes et surtout un aileron arrière qui met déjà tout le monde d'accord. À bord, une ambiance assez épurée avec des sièges baquet en carbone (en option), un intérieur qui se veut dépouillé afin de gagner du poids, bref une voiture assez radicale. La version Touring de la GT3 se veut beaucoup moins voyante de l'extérieur. Seuls les extracteurs d'air de part et d'autre du capot avant démontrent un besoin de refroidir davantage la bête. Il faut dire que quand une 911 affiche un logo GT3, elle embarque l'unique moteur 6 cylindres à plat atmosphérique (sans turbo). Cette dernière génération offre des performances tout simplement exceptionnelles et permet surtout des régimes moteur très élevés allant jusqu'à 9 000 tr/mn. Alors forcément, on est amené à préférer un peu cette version Touring à la GT3 « normale ». Tout simplement parce que, même si la GT3 est déjà parfaitement aboutie dans ce domaine, cette version plus « civile » se montre plus agréable dans tous les domaines. Le moteur se montre ultra puissant à partir de 4 000 tr/mn, la suspension ultra efficace vous guide parfaitement et l'attitude un peu survireur du train arrière offre un plaisir absolu. Pour beaucoup, cette 911 GT3 Touring est la voiture à posséder absolument…
La 911 GT3 RS - une grosse lame de carbone
Là on change totalement de registre puisque la 911 GT3 RS est, à ce jour, la 911 de série la plus sportive. C'est très simple, à côté d'elle, une GT3 normale pourrait presque s'avérer un peu fade. Élargie, dotée d'entrées d'air encore plus imposantes, cette version affiche un aileron arrière servant de DRS comme pour la Formule 1 et des volets pilotés à l'avant comme à l'arrière qui offrent jusqu'à 860 kg d'appui aérodynamique. Au-delà des performances, l'ambiance dans cette voiture effraie presque. Alors que toutes les 911 actuelles proposent un bouton rond en bas à droite du volant permettant de changer de mode de conduite, voire d'activer le mode « Sport Responce » où la voiture donne absolument tout ce qu'elle a durant 20 secondes, la GT3 RS en affiche 3 de plus. Ils ont tous leur utilité bien sûr (réglage de hauteur de suspension avant et arrière, de tarage des amortisseurs en compression et en détente, le différentiel, le couple, etc.) et permettent d'intervenir sur à peu près tout mais pour cela, c'est sur circuit qu'il faut être. Car sur route normale on ne peut arriver à bout de cette belle qui vire systématiquement à plat et qui semble presque impossible à mettre en défaut malgré les 525 ch du moteur 4 litres…
La 911 Sport Classic - le charme absolu pour les 60 ans
La 911 Sport Classic se reconnaît facilement grâce à deux choses à l'extérieur : son sticker avec le chiffre 60 sur les portes, mais aussi le béquet arrière en queue de canard qui rend hommage à la 911 2,7 litres RS du début des années 70. L'intérieur est sans doute l'un des plus originaux que l'on puisse trouver dans une 911 moderne. Le tableau de bord fait honneur au cuir, mais aussi aux boiseries, sans oublier les sièges cuir et tissus pied-de-poule qui confèrent à cette sportive un esprit très rétro qui séduira toute personne montant à son bord. Pour cette version limitée à 1 250 exemplaires, nous avons droit à un moteur 3 litres biturbo de 550 ch, à un allégement de 70 kg par rapport à une 911 normale et d'une boîte manuelle. À l'usage, on profite très vite de l'extraordinaire élasticité du moteur. Le train arrière peut vite vous faire savoir qu'il peut vous offrir des dérobades, comme une vraie 911, même si on a du mal à trouver l'intérêt du 7e rapport de la boîte manuelle. Cette 911 Sport Classic est probablement le collector absolu mais, comme toutes les autres séries limitées de la 911, elle est extrêmement chère et, surtout, tous les exemplaires sont vendus (comme les 2 500 exemplaires de la 911 Dakar d'ailleurs).
De toute évidence, si depuis 60 ans, une sportive ne connaît pas la crise, c'est bien la 911.