L'idée lui est venue dans la salle d'attente de l'Automobile Club du Luxembourg, il y a deux ans et demi. Laurent Mahut, créateur de sites Internet à Metz, assiste à un curieux ballet : des adhérents viennent faire valider leur “fiche d'aide à la désincarcération”. Il s'agit de plusieurs feuillets, édités par les constructeurs auto et détaillant les possibilités de découpe du véhicule au cas où il faudrait désincarcérer ses occupants. Les automobilistes glissent la fiche sous le pare-soleil et apposent un macaron sur leur carrosserie pour indiquer sa présence aux services de secours. “Et si la voiture fait des tonneaux, que la fiche se perd dans l'habitacle, qu'elle brûle, se tâche ?”, s'interroge Laurent Mahut, qui rappelle que “dans 14 % des cas, on ne reconnaît même pas la voiture tellement elle est broyée”.
LE RESCUE CODE : DÉMATÉRIALISER L'AIDE À LA DÉSINCARCÉRATION
Il imagine aussitôt confier les fiches aux services de secours. Seulement, il existe plus de 1 500 fiches et certaines font près de 5 pages. Et l'homme d'expliquer : “Il fallait créer un programme pour référencer toutes ces fiches, y accéder facilement, afin que les pompiers puissent s'affranchir d'avoir à transporter une dizaine de classeurs.” La solution ? La dématérialisation. Immédiatement, il pense au QR code, ces petits carrés noir et blanc qui fonctionnent comme des codes-barres et qu'il suffit de flasher avec son smartphone ou sa tablette pour accéder à un contenu lié. Pour porter son projet, qu'il baptise le “Rescue code”, il crée sa société : Désin'car. Le Ministère de l'Intérieur l'encourage, Renault et PSA, d'abord prudents, craignant que le produit soit “trop anxiogène pour leurs clients”, selon Laurent Mahut, se montrent finalement intéressés.
Le dispositif a été présenté en septembre 2012 au Congrès national des pompiers à Amiens. Dans la foulée, le Service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de Loire-Atlantique l'a testé dans des conditions réelles. Dix tablettes numériques et 2 000 Rescue code ont été remis aux équipes de secours. Bilan de l'expérimentation : “très positif”, selon le capitaine Jérôme Langlois du SDIS 44. “L'avantage est que cela fonctionne sans accès Internet, la base de données est directement sur les tablettes, que l'on peut mettre à jour à la caserne. Du coup, le système est utilisable partout, même en rase campagne. Et si un véhicule n'a pas de Rescue code, on peut tout de même trouver sa fiche à partir du moteur de recherche du logiciel, en tapant la marque, le modèle, l'année... Même les pompiers vétérans du SDIS 44 semblent avoir apprivoisé sans mal cette technologie intuitive.”
AUJOURD'HUI LES VÉHICULES SONT PLUS RÉSISTANTS QUE LE MATÉRIEL DE DÉSINCARCÉRATION
Ce qui intéresse avant tout le capitaine Langlois, c'est “le gain de temps et de sécurité”. “La prise en charge des véhicules est plus compliquée qu'auparavant. À l'époque, avec les anciennes voitures, quel que soit l'endroit où on coupait, écartait, poussait, cela marchait.
Mais aujourd'hui, on doit s'y prendre à plusieurs reprises pour trouver le point de faiblesse, les véhicules sont plus résistants que le matériel de désincarcération ! De plus, cela devient difficile pour nous de repérer les dispositifs pyrotechniques de déclenchement d'airbags. Selon que la voiture a un toit ouvrant ou non, ils ne seront pas placés au même endroit... Et, parfois, d'une année sur l'autre, sur un même modèle, il y a des variantes ! Idem pour les renforts, ils sont invisibles mais peuvent briser nos lames.” Puis il y a aussi des éléments pyrotechniques dans le déclencheur de la ceinture de sécurité, du gaz dans les vérins des coffres, des condensateurs d'énergie pour les véhicules équipés du start and stop... Des éléments que les fiches d'aide à la désincarcération permettent de repérer pour limiter les risques tant pour les occupants du véhicule accidenté que pour les secouristes.La prochaine expérimentation sera menée fin 2013 par le Conseil Général de la Moselle qui équipera sa flotte de véhicules. La Poste jouera également le jeu. Plusieurs concessionnaires du coin ont d'ores et déjà fait part de leur intention d'équiper de manière systématique les véhicules vendus. Et les jeunes Mosellans décrochant leur permis de conduire pourraient bénéficier gratuitement du Rescue code.
Pour séduire, Laurent Mahut n'est pas à court d'arguments. Il a imaginé que son code puisse servir de support pour d'autres informations. Le particulier, qui ne dispose pas du logiciel propre aux services de secours, pourra par exemple être redirigé vers le site du constructeur, accéder à des informations sur l'entretien de son véhicule...
DES CONSTRUCTEURS AUTO À L'ÉCOUTE DES POMPIERS
À la direction de la sécurité civile, on suit les débuts du Rescue code d'un œil attentif. C'est l'autorité qui valide les fiches d'aide à la désincarcération, élaborées conjointement avec les constructeurs. Et le commandant Stephan Lepouriel, en charge du dossier, d'expliquer : “Nous mandatons des services de secours en région qui s'acharnent sur des véhicules neufs envoyés par les constructeurs. Ils repèrent les points de résistance, ce qui nous permet de compléter et corriger les ébauches de fiches transmises par les constructeurs. Les ingénieurs de chez Renault et PSA ont vu nos difficultés et il est même arrivé qu'ils tiennent compte de nos remarques pour modifier des véhicules qui ne sont pas encore sortis sur le marché”, se félicite-t-il. Il travaille depuis un an et demi à la normalisation des fiches à l'international.Elles deviendront d'ici peu des “fiches d'aide à la décision”, validées au niveau européen et accessibles à tous les primo intervenants (pompiers, dépanneurs, policiers...). “Il ne s'agit pas de donner une méthode de désincarcération, on laisse aux secours la liberté d'agir en fonction de la situation, tout en leur donnant la palette de risques”.
Les codes existent, les fiches aussi. Reste une inconnue : qui va payer ? Laurent Mahut, qui a développé le logiciel, le met gratuitement à disposition des services de secours. Quant au Rescue code, “c'est quatre adhésifs par véhicule, au prix d'un litre d'essence”, précise-t-il. Des demandes de particuliers affluent sur son site Internet, mais pour que la diffusion ne reste pas confidentielle, il espère que constructeurs ou assureurs participeront à sa commercialisation.
Le saviez-vous ?
Dans l'attente d'une généralisation des outils numériques, les Automobile Clubs européens ont mis en place sur leur site Internet les fiches de secours à bord.Ce que vous devez faire :
1 Sélectionnez le modèle de votre véhicule sur le site Internet : www.automobile-club.org/fichedesecours
2 Imprimez la fiche de secours en couleurs.
3 Pliez la fiche, côté imprimé à l'intérieur, et fixez-la derrière le pare-soleil conducteur.
4 Apposez l'autocollant “Fiche de secours à bord” en bas ou en haut à gauche de votre pare-brise.
L'équipe de secours saura ainsi immédiatement que le véhicule est doté d'une fiche de secours.