Assurances : des jeunes conducteurs pas si jeunes

Jusque-là votre voiture de fonction vous suffisait, ou vous preniez le métro. Et puis, vous voilà muté ou à la retraite, contraint d'acheter une voiture personnelle. Et, forcément, de l'assurer… Quand la compagnie ne refuse pas tout simplement d'assurer la grosse cylindrée sur laquelle vous avez jeté votre dévolu, elle vous applique un taux plein, sans bonus, voire avec une surprime. La solution ? Anticiper

10/12/2014
5 minutes

Il arrive parfois qu'on prenne un sacré coup de jeune en allant chez l'assureur. Se voir appliquer le tarif jeune conducteur malgré des décennies de permis de conduire et des dizaines de milliers de kilomètres au compteur, c'est tout à fait possible. Les premiers concernés sont les commerciaux, les visiteurs médicaux ou les employés dans le transport. En fait, toute personne ayant à sa disposition une voiture de fonction pour ses déplacements professionnels et personnels. Seulement, suite à une évolution professionnelle, une rupture du contrat de travail, une mutation vers un poste fixe au sein de la même entreprise ou un départ à la retraite, le salarié n'a plus de véhicule attitré. Aussi décide-t-il d'acquérir une voiture. Et, se rendant chez un assureur, voire plusieurs, il découvre qu'il n'a droit à aucun bonus et devra s'acquitter de la prime à taux plein, comme un débutant. Il peut arriver que certaines compagnies d'assurances appliquent une surprime (jusqu'à deux fois la prime de référence la première année). Une majoration qui disparaît au bout de trois ans. 

"MA VOITURE ÉTAIT TROP PUISSANTE"

Sur les forums, ils sont nombreux à raconter la même mésaventure : “Je suis titulaire du permis depuis 20 ans. Au début, j'ai eu une assurance à mon nom, mais depuis 15 ans je bénéficiais d'une voiture de fonction sans posséder d'autre voiture. Il y a 9 mois j'ai changé d'employeur. La période d'essai terminée, j'ai acheté une voiture qui vient de m'être livrée. Le problème, c'est que je ne trouve aucune société qui veuille m'assurer !”, s'exclame l'internaute, qui rapporte ensuite : “on m'a dit que pour « quelqu'un dans mon cas », ma voiture était trop puissante !” Un autre explique avoir essuyé le même refus, bien que “VRP avec 3 000 000 km au compteur”. Car, les assureurs ne disposant d'aucun historique sur ces conducteurs, les assimilent à des automobilistes inexpérimentés. De fait, beaucoup de compagnies refusent d'assurer leur véhicule dont la puissance est supérieure à 90 chevaux, histoire de limiter les risques. Ainsi se voient-ils conseiller, à l'instar des jeunes qui viennent d'obtenir le précieux sésame rose, de se rabattre sur une petite citadine, voire d'occasion, et de l'assurer au tiers histoire ne pas faire exploser leur budget… Il faudrait oublier la grosse cylindrée, au moins le temps de reconstituer un bonus. Et cela peut prendre des années. 

Sans sinistre responsable, à raison de 5 % de réduction par an, il faut 13 ans pour se voir appliquer la ristourne maximale de 50 % sur la prime de référence, ou le coefficient de réduction-majoration de 0,50… Dans la mesure où assurer son véhicule est une obligation légale, il existe un recours en cas de refus d'assurance : le Bureau Central de Tarification (BCT). L'ensemble des pièces justificatives devront lui être adressées et il répondra dans un délai de deux mois en fixant le montant mensuel de cotisation. 

LA CLÉ : LE RELEVÉ D'INFORMATIONS 

“C'est une réalité, pour se constituer un bonus, il faut être mentionné sur un contrat, pouvoir justifier d'un passé d'assurance en fournissant un relevé d'informations”, explique Muriel Flamant, chargée d'assurances à l'Automobile Club Association. Le relevé d'informations résume le profil du conducteur, avec ses coordonnées, la date d'obtention et le numéro de son permis de conduire, la date de souscription du contrat, l'immatriculation du véhicule et l'historique des sinistres sur les cinq dernières années. Un assureur demande systématiquement un historique sur les 36 derniers mois, afin de pouvoir le confronter à la base de données de l'Agira (Association pour la Gestion des Informations sur le Risque en Assurance). 

Là, l'ensemble des sinistres sont répertoriés, avec une extinction au bout de trois ans.
Seulement, “le salarié roulant en voiture de fonction n'est nommé nulle part. La flotte de véhicules est assurée au nom de l'entreprise”, prévient Muriel Flamant. Mais tout n'est pas perdu pour autant : “Il reste possible de reconstituer un historique et de faire-valoir un bonus”, avance-t-elle. Comment ? “L'employeur fournit une attestation certifiant que le salarié a travaillé au sein de l'entreprise de telle date à telle date et disposait de telle voiture, en mentionnant la compagnie qui assurait la flotte. Auprès d'elle, il sera possible de se procurer un relevé d'informations pour l'ensemble de la flotte et de constater si, sur le véhicule en question, il y a eu ou non des sinistres”, détaille Muriel Flamant. Parfois, en cherchant un bonus, on tombe sur un malus. De petits accrochages qui remontent à un an ou deux et dont le conducteur, pourtant responsable, n'a aucun souvenir : une portière abîmée par-ci, un pare-chocs enfoncé par-là. C'est que l'employeur prend tout en charge, l'entretien, les réparations. La règle de coefficient réduction-majoration s'applique à chaque accident responsable (25 % de majoration). Du coup, ce n'est pas une prime à taux plein qui sera appliquée, comme à un jeune conducteur, mais une prime majorée…
D'autre part, il n'est pas toujours possible d'obtenir une attestation de son employeur. En cas de litige avec ce dernier, le salarié est dans l'impasse. L'employeur n'a pas l'obligation de fournir d'attestation. Et puis, il peut avoir changé plusieurs fois d'assurance en peu de temps. Et là, c'est un vrai casse-tête. Aussi Muriel Flamant conseille-t-elle de “demander un relevé d'information chaque année ou tous les deux ans et à chaque changement d'assurance”.
Autre moyen d'anticiper : se faire inscrire comme deuxième conducteur sur le contrat d'assurance auto de son conjoint ou de ses parents selon le cas. En général, cela n'engendre aucun surcoût. Si cela est possible, assurer un véhicule à son nom, celui qu'on utilise pour aller à la déchetterie ou celui d'une résidence secondaire par exemple, peut être une autre solution. 

LE BONUS RESTE ACQUIS À L'ASSURÉ 

Cette stratégie peut s'avérer également efficace pour les citadins. Habitant une agglomération où il est difficile de se garer, de circuler, beaucoup préfèrent renoncer à la voiture personnelle et utilisent d'autres modes de déplacement, le métro, le vélo, l'auto-partage… En déménageant, l'acquisition d'une voiture peut parfois s'imposer et les voilà eux aussi confrontés aux mêmes difficultés, avec une prime à taux plein faute d'historique. Idem pour un séjour à l'étranger de plusieurs années (sauf sur présentation d'un document qui justifie que vous étiez assuré pendant ce séjour). L'automobiliste vend sa voiture avant de partir et suspend son contrat d'assurance. À son retour, l'assureur devrait lui appliquer le coefficient dont il bénéficiait à la dernière échéance de son contrat. Ainsi l'article 9 du Code des assurances stipule : “Si le contrat est interrompu ou suspendu pour quelque cause que ce soit, le taux de réduction ou de majoration appliqué à l'échéance précédente reste acquis à l'assuré mais aucune réduction nouvelle n'est appliquée, sauf si l'interruption ou la suspension est au plus égale à trois mois.” Sauf en cas de suspension inférieure à trois mois, le bonus ne progresse pas. Mais bonus il y a. L'institut national de la consommation (INC), établissement public placé sous la tutelle du ministre chargé de la consommation, le rappelait dans une note de 2012, et constatait : “Certains assureurs refusent de prendre en compte votre coefficient de bonus-malus si vous n'avez pas été assuré pendant une certaine période (en général trois ans. Ndlr : dans le cadre des règles de souscription chaque assureur met une limite entre deux et trois ans selon les compagnies). Or, rien dans les textes ne précise que le coefficient a une certaine durée de vie : une fois acquis, il le reste”. 

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