La loi n°2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles a instauré un mode de gestion du stationnement payant en vertu duquel les villes fixent localement sous forme de redevance les tarifs de stationnement. Les tarifs varient donc d'une ville à l'autre.
Soucieuses des inégalités sociales existantes entre les résidents, certaines villes ont souhaité la mise en place d'une tarification différenciée du stationnement payant pour les résidents en fonction de leurs revenus. Néanmoins certaines délibérations municipales mettant en place ce système ont par le passé été annulées par les juridictions administratives.
L'égalité devant les charges publiques : un principe qui connaît des exceptions
Le principe essentiel, qui régit la condition des citoyens face à l'impôt, est celui de l'égalité devant les charges publiques, conformément à l'article 13 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 : "Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés."
Ainsi, si nous faisions une application stricte de ce principe, il serait illégal de moduler le tarif de la redevance en fonction du niveau de revenus des résidents. Toutefois, ce principe n'est pas absolu et connaît des exceptions. En effet, une rupture d'égalité devant les charges publiques apparaît justifiée dans certains cas lorsque les citoyens se trouvent dans des situations différentes. Il arrive donc que, pour des raisons d'intérêt général, le législateur soit amené à déroger à cette règle à condition que les critères pris en compte soient en lien direct avec la loi concernée.
À titre d'exemple, une délibération municipale de la ville de Grenoble du 20 juin 2016 avait été annulée par une décision du tribunal administratif du 31 janvier 2017. Le critère retenu pour déterminer le tarif mensuel résident de stationnement sur la voirie était le quotient familial. Si le tribunal administratif avait reconnu qu'il existait entre les riverains des voies publiques une différence de situation de nature à justifier une différence de traitement, il estimait que le critère du quotient familial ne révélait pas de situation objectivement différente en lien avec le stationnement et qu'en outre, aucune nécessité d'intérêt général en rapport avec la réglementation du stationnement des véhicules ne justifiait des traitements particuliers. Ce n'était ainsi pas l'idée de la différence de traitement entre les citoyens qui posait problème mais l'absence de lien entre le critère retenu et le stationnement.
Une tarification différenciée afin de favoriser l'accès à la mobilité des personnes en situation de vulnérabilité économique ou sociale
Afin de permettre la mise en place d'une tarification que l'on pourrait qualifier de "solidaire" de la redevance de stationnement, des changements législatifs ont été opérés à l'article L2333-87 du Code général des collectivités territoriales qui régit le fonctionnement du Forfait Post Stationnement (FPS). Alors que sa version en vigueur jusqu'au 27 décembre 2019 prévoyait uniquement la possibilité de "... prévoir une tarification spécifique pour certaines catégories d'usagers, dont les résidents", la loi d'orientation des mobilités du 24 décembre 2019 a réformé le texte en insérant une considération d'intérêt général justifiant l'instauration de barèmes tarifaires différenciés pour les résidents en fonction de leur niveau de revenus.
Ainsi, depuis le 27 décembre 2019, le barème tarifaire peut prévoir "une tarification spécifique pour certaines catégories d'usagers, dont les résidents" mais également "qu'il peut être réduit en fonction du niveau du revenu des usagers, de leur statut ou du nombre de personnes vivant au sein de leur foyer, en vue de favoriser l'égalité d'accès à la mobilité des personnes en situation de vulnérabilité économique ou sociale."
Les travaux parlementaires préalables confirment et témoignent de la volonté de permettre aux municipalités la mise en place d'une tarification solidaire. Ainsi, les modifications législatives opérées ont eu vocation à permettre la mise en place d'une tarification solidaire, dès lors que la différence de traitement entre les personnes qui stationnent leur véhicule est justifiée par leur différence de situation et, surtout, par un motif d'intérêt général, à savoir favoriser l'égalité d'accès à la mobilité des personnes en situation de vulnérabilité économique ou sociale.