Un monopole qui fait débat
En France, les pièces visibles (ailes, capots, pare-chocs, pare-brise, feux, rétroviseurs, etc) sont protégées au titre du droit des dessins et modèles et du droit d'auteur.
Seul le constructeur peut distribuer ces pièces aux différents réparateurs.
C'est un véritable monopole dont il dispose pour ces pièces.
Et cette situation de "non concurrence" n'est pas sans effet notamment pour l'usager final, l'automobiliste.
Elle a d'ailleurs attiré l'attention de l'Autorité de la concurrence, qui en 2012, préconisait déjà une "levée progressive et maîtrisée du monopole sur les pièces détachées visibles".
Bis repetita
La libéralisation du marché des pièces de rechange visibles des automobiles s'est récemment invitée dans la Loi d'orientation des mobilités (LOM) du 24 décembre 2019.
Mais le Conseil constitutionnel a censuré l'article portant sur ce sujet.
Il a été considéré comme un "cavalier législatif".
Pour faire simple, il a été jugé comme n'ayant aucun lien avec le projet de loi déposé.
La mesure d'ouverture partielle à la concurrence du marché des pièces détachées automobiles a été reprise dans la Loi de d'accélération et de simplification de l'action publique (ASAP) publiée le 8 décembre dernier.
L'article 136 de la loi avait pour objectif de libéraliser de façon progressive et adaptée le marché des pièces détachées visibles pour l'automobile, comme cela est le cas dans d'autres États européens, et ce à compter du 1er janvier 2021.
L'histoire se répète.
La mesure n'a pas passé l'étape des Sages qui ont jugé l'article non conforme pour les mêmes raisons que pour la loi « LOM »
Ils ont considéré que cette mesure qui venait modifier le droit de la propriété intellectuelle qui s'applique aux pièces détachées pour automobile, n'avait pas de lien avec les dispositions du projet de loi initial.
Une occasion manquée pour le consommateur et son portefeuille
Une telle évolution législative aurait pourtant permis de lever la protection sur les pièces dites « visibles » et de casser le monopole dont bénéficient les constructeurs.
Les bénéfices seraient impactants : compétitivité des équipementiers de la filière automobile sur le marché français et européen, recours à la contrefaçon dissuadé et évidemment une possibilité pour le consommateur de diminuer au moins en partie le (cher) coût des réparations automobiles.
Rappelons que les dépenses d'entretien pèsent lourd dans le budget automobile d'un ménage.
L'entretien est le deuxième poste du budget auto.
Selon notre étude annuelle le « Budget de l'automobiliste », en 2019, les dépenses d'entretien ont augmenté de 3,9 % à 7,7 % selon nos modèles de référence (Renault Clio essence, Peugeot 308 diesel, Dacia Logan diesel, Toyota Prius hybride).
Les "petits" rouleurs y ont consacré entre 939 € et 1 103 €.
Ces dépenses ont dépassé les 1 800 € chez les "gros" rouleurs qui circulent deux fois plus.
Ce poste "entretien" a ainsi dévoré entre 13 % et 20 % du budget total annuel.
Et l'augmentation du coût de l'entretien s'explique notamment par l'envolée du prix des pièces détachées avec un +12,59 % pour les pièces Renault et un + 10,59 % pour Peugeot.
Le sujet des pièces détachées n'est pas enterré pour autant.
La libéralisation du marché est sortie par la porte des lois "LOM" et "ASAP".
Mais elle pourrait rentrer par la fenêtre et de manière moins "cavalière" dans un autre texte qui pourrait plus spécifiquement lui être consacré.
Y'a plus qu'à.
Références
LOI n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique
Décision n° 2020-807 DC du 3 décembre 2020
Etude Automobile Club Association "Le budget de l'automobiliste"