Les recours en cas de vices cachés
De quels recours dispose l'acheteur pour faire annuler la vente en cas de litige ? Dans quelles conditions, l'acheteur peut-il alors se prévaloir de la garantie légale des vices cachés (art 1641 et suivants du Code civil) pour faire annuler la vente et se faire rembourser ?
Les articles 1641 et suivants du Code civil protègent l'acheteur d'un véhicule contre le vendeur suite à la découverte d'un vice caché, soit un défaut antérieur à la vente, indécelable à l'achat et qui rendrait le véhicule impropre à l'usage auquel on le destine, ou qui diminuerait grandement cet usage.
Si le vice caché est avéré, il pourra demander soit une réduction du prix, soit l'annulation de la vente en cas de défaut majeur. Des dommages et intérêts sont, en plus, possibles en cas de mauvaise foi du vendeur (qui est présumée lorsque le vendeur est un professionnel).
À noter que c'est à l'acheteur d'apporter la preuve que les conditions du vice caché sont remplies, ce qui suppose généralement une expertise contradictoire du véhicule par un expert automobile agréé.
Si ce cadre s'applique autant pour les véhicules neufs que d'occasion, il est toutefois à nuancer quand on a affaire à un véhicule de collection, qui est un véhicule certes d'occasion, mais qui obéit à un régime d'exception tant sur un plan juridique que fiscal. L'un va souvent avec l'autre…
Mais qu'est-ce qu'un véhicule de collection ?
Le véhicule de collection est défini par l'article R.311-1 du Code de la route comme un véhicule qui a plus de trente ans, dont la fabrication a cessé et qui est resté d'origine - les pièces principales n'ont pas été modifiées ou si elles l'ont été, le remplacement s'est fait avec des pièces d'origine.
Ces 3 critères sont cumulatifs. Toutefois, la pratique tend à élargir le cadre de cette définition. Ainsi :
- un véhicule de collection n'est pas obligatoirement immatriculé en carte grise collection
- un véhicule de moins de 30 ans peut être assuré en véhicule de collection
- certains véhicules comme les youngtimers, âgés de moins de 30 ans, sont considérés comme "véhicule de collection" par une large partie des collectionneurs, suscitant une polémique toujours vivace…
Élaboration d'une jurisprudence
C'est en tenant compte de ces réalités qu'une jurisprudence s'est élaborée, en s'appuyant sur plusieurs postulats desquels il ressort que les conditions du vice caché sont souvent appréciées plus sévèrement concernant les véhicules de collection.
Le statut même du véhicule de collection
Il induit un usage restreint généralement cantonné à un usage de loisirs, beaucoup plus limité que l'usage traditionnel d'effectuer des trajets du quotidien. C'est d'autant plus vrai, si le véhicule est immatriculé en carte grise collection ou s'il est assuré en collection. Par exemple, il a déjà été jugé :
- que l'acheteur d'un véhicule avec une carte grise collection ne peut pas se prévaloir des mêmes garanties que l'acheteur d'un véhicule plus récent, puisque cette mention suffit à l'informer que le véhicule est voué à un usage plus restreint ;
- que l'acheteur d'un véhicule ancien doit prendre en compte que l'ancienneté du véhicule implique des précautions particulières dans son utilisation.
À noter toutefois que le véhicule considéré comme dangereux sera considéré comme impropre à son usage, peu importe qu'il soit ou non destiné à un usage de collection et donc à un usage restreint.
Le véhicule de collection ne permet pas de prendre en compte certains défauts
Ainsi, il sera difficile à l'acheteur de soutenir l'argument des défauts sur la mécanique ou la carrosserie, à partir du moment où ces défauts étaient visibles ou connus lors de l'achat. Les juges tiennent alors compte de la nature du bien vendu, notamment en retenant que l'ancienneté du véhicule suppose nécessairement une certaine usure qui ne peut être considérée comme cachée. Peut aussi être retenu que l'acheteur était informé si le véhicule avait vraisemblablement besoin d'une rénovation vu sa description ou son prix de vente.
Néanmoins, Frédéric Dubois, Référent National Collection chez Classic Expert confirme qu'entre autres, les cas de relevant de fraude, tels que les dissimulations délibérées de vices, demeurent tout à fait défendables.
Pour les juges, le collectionneur est par définition un acheteur averti
Pas d'amateurisme chez les collectionneurs ! Néanmoins, tout acheteur d'un véhicule de collection ne sera pas considéré comme tel. Sauf s'il est démontré qu'il est un spécialiste ou un acquéreur averti, voire un professionnel, il restera considéré comme un acheteur profane. Pour ces derniers, les juges pourront quand même retenir qu'il ne peut pas attendre d'un véhicule ancien la même fiabilité technique qu'un véhicule récent. Il doit se montrer avisé et faire preuve des diligences nécessaires en conséquence en procédant à un examen attentif du véhicule et des documents remis par le vendeur.
À savoir qu'il a déjà été jugé que le fait d'avoir été antérieurement en possession d'un seul véhicule ancien, de la même marque que le véhicule litigieux, ne permet pas de qualifier un acheteur de spécialiste ou d'acquéreur averti. Pour les collectionneurs, pas de voie sans issue pour autant : un vice caché reste un vice indécelable aux yeux d'un amateur même le plus averti, sauf à être un professionnel du métier. Or, a déjà été jugé qu'un collectionneur amateur de voitures anciennes et qui participe à des rallyes automobiles ne possède pas nécessairement les compétences techniques d'un professionnel de l'automobile. Idem pour le gérant de société louant des véhicules de collection dès lors qu'il s'agit d'une activité résiduelle.
En résumé, les 3 règles à retenir et à appliquer avant d'acheter
S'informer avant, pendant, après
Le milieu de la collection est un petit milieu, et pour peu qu'on se donne la peine, on peut toujours se renseigner sur le véhicule qu'on convoite, le professionnel ou même le particulier à qui l'on achète : les clubs, les salons, les forums sur internet sont foison et sources intarissables d'informations.
De même, l'annonce qui est la base des échanges, doit être complète ; des photos seules ne suffisent pas. Sinon, demandez les informations qui vous semblent indispensables (historique des réparations, des propriétaires, factures de restauration, contrôles techniques…). Renseignez-vous également sur la disponibilité des pièces détachées du modèle de véhicule que vous souhaitez acquérir afin d'éviter toute mauvaise surprise si des travaux devaient être envisagés à l'avenir.
Nombre d'acquisitions se font en ligne (via des sites spécialisés ou non, type Catawiki), et ce phénomène va augmentant. Pour une première acquisition, il est prudent de s'abstenir, car les garanties sont minces.
Voir et essayer le véhicule avant d'acheter...
...et donc avant de verser la totalité du prix (optez alors pour un itinéraire incluant tous les types de routes, notamment les autoroutes, afin d'augmenter les chances de déceler tout comportement anormal du véhicule) et se faire accompagner par un sachant.
Un expert automobile pourra en plus vous fournir un rapport sur lequel vous pourrez vous appuyer, soit avant achat pour négocier, soit après achat pour assurer le véhicule ou en cas de litiges. Le rapport bénéficie aussi au vendeur, puisque l'acheteur achète en connaissance de cause.
Rédiger un contrat de vente
C'est une pratique peu répandue, pourtant elle permettrait d'éviter bien des déboires en cas de pépins. En effet, si l'acheteur consigne ses attentes dans un contrat, le vendeur n'a plus la possibilité de feindre d'ignorer le leitmotiv de son acheteur, et plus d'interprétation à faire par le juge en cas d'issue judiciaire. Dans le cadre de l'acquisition d'un objet de collection, on le sait les attentes sont variées et fortes : appartenance du véhicule à une personnalité, véhicule ayant participé à telles compétitions ou concours d'élégance, etc.
L'ACA, comme Classic Expert, la FFVE et beaucoup d'autres militent pour que le contrat devienne un passage obligatoire. L'ACA propose d'ailleurs à ses adhérents un contrat type : usez-en ! Enfin, si malgré toutes les précautions prises, le litige persiste, il est conseillé de trouver une voie amiable pour éviter une perte de temps et d'argent. Si vous avez acheté votre véhicule de collection auprès d'un professionnel, un compromis est possible, sa réputation est en jeu. Le bouche-à-oreille est un levier d'action qui a fait ses preuves.
Si toutefois aucun accord n'était trouvé et que vous deviez saisir les tribunaux, sachez que l'action en garantie des vices cachés ne peut plus être engagée après 2 ans à compter de la découverte du vice - les juges retiennent souvent la date du rapport d'expertise - et après 5 ans à compter de la vente.
Notez pour finir, de ne pas entamer de travaux sur le véhicule tant que le conflit n'est pas résolu car les dommages doivent faire l'objet d'une constatation contradictoire avec la partie adverse, et cela pourrait se retourner contre vous, tout simplement.
Pour aller plus loin :
- Vous souhaitez acheter, vendre un véhicule de collection ou le faire estimer ? Profitez de 10 % de remise si vous êtes adhérent de l'Automobile Club Association auprès de Classic Expert
- Faire l'acquisition d'un véhicule de collection n'est pas une démarche anodine. Quels sont les documents à fournir ? Pouvez-vous circuler sur tout le territoire ? Cette rubrique vous permet d'être bien informé sur toutes les démarches entourant la possession d'un véhicule de collection.