La voiture est doucement mais sûrement poussée hors des villes et notamment de Strasbourg qui annonce l'interdiction de circulation du diesel d'ici 2025.
Une décision "anti-voiture" de plus, empreinte du dogmatisme habituel qui oppose les "bons" et les "mauvais" modes de déplacement.
Cette approche clivante « pollue » le débat public alors que la qualité de l'air, elle, s'est notablement améliorée ces dix dernières années en France et plus localement à Strasbourg.
L'ATMO Grand Est, dont les chiffres sont indiscutables, note pour l'Eurométropole de Strasbourg, une baisse de la concentration des polluants dans l'air de 20 à 30 % au cours des dernières années, ce qui est très largement occulté par les pouvoirs publics et les médias.
Les valeurs actuelles sont au-dessous des valeurs limite des Directives européennes, même si la France et plus particulièrement la ville de Strasbourg viennent d'être épinglées par un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) qui estime notamment que depuis 2010 elles ont dépassé de manière systématique et persistante la valeur limite pour le dioxyde d'azote (NO2), qui émane des moteurs des véhicules mais pas que...
Il est d'ailleurs intéressant de noter que la France, dans sa défense face à la CJUE, indique que les méthodes utilisées ne sont pas représentatives de la qualité de l'air des zones concernées et que les mesures prises ont notamment été entravées par l'effet de la croissance démographique, accentué par l'évolution des modes de transport…
Difficile de s'y retrouver.
Bref, la qualité de l'air que nous respirons reste donc un enjeu de santé publique et toutes les pistes de travail pour l'améliorer doivent être explorées.
Le tout est de savoir comment !
Dépassionnons le débat pour avancer de manière globale, constructive, pragmatique et surtout sans brutalité avec un calendrier réaliste qui tienne compte de la vie quotidienne des ménages.
Le véhicule particulier assure encore l'essentiel des besoins de mobilité dans Eurométropole de Strasbourg, même si une étude récente relève une diminution significative de la circulation intramuros, il ne s'agit que de l'effet mécanique des restrictions apportées à la fluidité du trafic, le récent « aménagement » de l'Avenue des Vosges en étant un exemple caricatural.
La croissance démographique, la mobilité accrue des jeunes et des personnes âgées génèrent une augmentation des besoins de déplacements qui se heurte aux difficultés croissantes pour les assurer.
La périurbanisation, l'éclatement géographique et temporel des déplacements, nécessitent d'avoir une offre multimodale de déplacements sans prédominance d'un mode et sans stigmatisation.
S'il est difficile de se passer de sa voiture, une marge de progression est indéniable dans la manière de l'utiliser.
Mais une approche punitive va à l‘encontre du but recherché, à savoir l'adhésion des citoyens à une démarche globale pour une mobilité durable et économe en énergie.
Les mesures annoncées par la ville de Strasbourg tendant à interdire les véhicules diesel d'ici 2025 posent en cela bien des questions.
Quelle justice sociale ?
Cette mesure va impacter, en premier lieu, les ménages les plus modestes qui précisément pour des raisons de budget roulent avec des véhicules anciens et les utilisent pour aller travailler faute de transport alternatif compte tenu de leur lieu de résidence, mais aussi, généralement tous les propriétaires de véhicules diesel qui ont été largement incités à acheter (par le système du bonus-malus). Il s'agit là d'une atteinte illégitime à la propriété puisque les véhicules bannis ne vaudront plus rien : leurs propriétaires devront donc être indemnisés. Pour les quelques 200 000 véhicules diesel circulant dans l'Eurométropole, cela représente un coût de l'ordre de 1.5 milliards d'euros.
Qui paiera ?
Ces mesures n'épargneront évidemment pas non plus les acteurs de l'économie locale et du tourisme de cette capitale européenne mais a-t-on au moins évalué leurs impacts économiques ?
Toute la difficulté est de ne pas freiner la mobilité urbaine, puisque cette fluidité est justement nécessaire à la vie économique et sociale d'une cité.
Souhaite-t-on délibérément fermer nos villes, les replier sur elles-mêmes, les appauvrir ?
Et côté financier, s'est-on demandé si cette mesure était soutenable financièrement ?
Ces dispositifs restrictifs de circulation sont chers à mettre en place et à faire vivre (contrôles, signalisation…) pour un impact environnemental pourtant résiduel, localisé et multifactoriel.
La Suisse, pays réputé pour sa conscience environnementale forte y a renoncé en 2011, compte tenu du ratio charge administrative / utilité / inégalité de traitement entre usagers.
Et enfin les usagers, premiers concernés, les acteurs locaux qui les représentent ont-ils été consultés ? Non. Dommage… ils auraient pu livrer leur témoignage du terrain éloigné des cénacles politiciens où ils auraient pourtant des choses intéressantes à dire comme par exemple qu'ils sont prêts à repenser leur mobilité mais qu'ils demandent pour cela à être accompagnés.
Il faut poursuivre et renforcer les aides permettant d'accélérer le renouvellement du parc automobile.
Il faut faciliter le développement du covoiturage ou de l'écoconduite, action gagnante-gagnante pour la qualité de l'air et engager une action forte pour fluidifier la mobilité avec des moyens novateurs faisant appel à l'intelligence artificielle, plutôt que d'organiser la paralysie systématique de la circulation, les embouteillages générant bien plus de nuisances qu'un trafic aisé et donc apaisé.
Il est temps de passer de la circulation zéro pointé à la ville 2.0.
Il faut aussi donner plus de visibilité sur l'usage des énergies alternatives notamment sur le terrain fiscal, mais là encore, après l'annonce en 2018 d'un ambitieux programme d'installation de 200 bornes pour voitures électriques, force est de constater que l'on s'est borné à des incantations.
Et enfin, il faut garantir à l'usager le choix de sa mobilité qui doit nécessairement être plurielle. Les modes doivent cohabiter et non pas s'opposer. Et pour cela les villes et leur organisation ont un rôle crucial à jouer.
Ces approches constituent les fondements de l'acceptation sociale et des mesures à prendre pour l'avenir qui, en matière de mobilité, se prépare sur des phases de transitions et sur une période longue.
La voiture toujours, mais différemment. La voiture, en ville aussi.