Il y a les intentions et les actes. Les annonces et les réalisations. Mais malgré tout des signaux encourageants. Parmi les 15 mesures clés de la loi Mobilités annoncées en novembre dernier, le handicap et la mobilité. Avec un constat : pour les personnes en situation de handicap, les transports sont souvent un parcours du combattant. “La Loi Mobilité introduira de nouveaux outils pour faciliter leur quotidien. Leurs accompagnateurs pourront bénéficier de la gratuité ou de tarifs réduits dans les transports en commun. Toutes les informations sur l'accessibilité des transports seront systématiquement collectées et rendues publiques pour pouvoir plus facilement préparer son trajet, repérer sur des applications les itinéraires accessibles, etc. Les parkings équipés de bornes de recharge électrique devront être accessibles aux personnes à mobilité réduite pour que la mobilité propre soit à la portée de tous”, lit-on ainsi dans la présentation de la future loi.
80 MILLIONS D'EUROPÉENS CONCERNÉS, 120 MILLIONS EN 2020
Une annonce forte pour l'Automobile Club Association qui milite depuis toujours pour une application stricte de la dimension universelle de la mobilité. “L'approche de cette loi et l'engagement de la ministre sont des signaux favorables, donc nous espérons un sursaut en faveur d'une mobilité pour tous”, commente ainsi Céline Genzwurker-Kastner, Directrice Juridique et des Politiques Publiques. Dans le même esprit, la Commission européenne vient de signer l'Acte européen sur l'accessibilité, visant à améliorer le quotidien des personnes handicapées, rappelant que “plus de 15 % de la population européenne est touchée, à des degrés divers, par le handicap, soit 80 millions de personnes sur 510 millions d'Européens. Ce nombre devrait s'élever à 120 millions d'ici 2020.”
En France, 40 % des Français sont gênés temporairement ou définitivement et plus d'un tiers de la population française, soit 22 millions de personnes, appartient à la catégorie des seniors, souligne aussi l'ACA. Des chiffres qui rappellent que l'on peut tous, un jour ou l'autre, être touché de près ou de loin par des difficultés à se déplacer. De fait, quelle jeune maman n'a pas pris conscience des difficultés des personnes handicapées en découvrant les déplacements avec une poussette ? Quel voyageur ne s'est pas senti démuni avec sa grosse valise dans les transports en commun ? Quel enfant n'a pas vu ses parents vieillir avec des difficultés à conduire puis à se déplacer ?
“La voiture reste le moyen de transport privilégié, mais lorsque les capacités sont amoindries, nos aînés la remplace souvent par… Rien ! 7 seniors sur 10 n'utilisent pas les transports en commun par peur des bousculades et des risques de chutes. Marcher et se confronter à la diversité des usagers qui empruntent les trottoirs (trottinettes et autres Engin de déplacement personnel - EDP -) peut s'avérer anxiogène. S'ensuit un isolement qui impacte la santé et contribue à la dégrader”, prévient Céline Genzwurker-Kastner.
INÉGALITÉS FORTES ENTRE VILLES ET TERRITOIRES
Les mises aux normes restent trop longues. Le meilleur exemple : le métro parisien qui nécessiterait 4 milliards d'euros de travaux pour être accessible.
“Les associations se heurtent toujours à cet argument majeur, le métro parisien est d'ailleurs exclu de tous les schémas de mise en accessibilité”, rappelle Emmanuelle Dal'Secco, rédactrice en chef du site handicap.fr. Seule solution ? Les transports dits “en surface”, bus, tram ou taxi. “Je voyage beaucoup en France et en Europe, et l'inégalité entre les villes est frappante, témoigne la harpiste Anja Linder. Strasbourg, Annecy et Berlin sont des villes vraiment accessibles, alors que Perpignan, Valence ou la Côte d'azur ne le sont pas du tout. Or, c'est possible de rendre un lieu ancien accessible et de façon esthétique. Je propose que les architectes aient des personnes de chaque type de handicap pour la vérification des différents types d'accessibilité, car il y a si souvent un détail dans leurs travaux qui prouvent que ce n'est pas le cas, et qui du coup fait que nous ne sommes pas totalement autonomes dans ces lieux.” Sur leur blog “handilol”, deux jeunes frères, dont un en fauteuil roulant, détaillent leurs expériences de transport en France et en Europe. “Ce site est une mine d'informations”, souligne Emmanuelle Dal'Secco, qui relève d'autres inégalités encore criantes. “Rien n'est fluide, il faut toujours réserver, venir en avance, les personnes handicapées sont toujours empêchées dans leurs projets par des contraintes techniques alors que nous pouvons réserver un billet sur un coup de tête, rappelle-t-elle. La SNCF, par exemple, met en place un système d'accès pour les personnes handicapées, mais il faut y être 30 minutes à l'avance et tous les trains ne sont pas équipés. Les bus sont peut-être accessibles avec des rampes, mais les quais ne sont pas forcément aux normes. À Paris enfin, il existe certes le réseau de taxi PAM, mais les touristes ne peuvent pas en bénéficier…” Et la journaliste de rappeler que 80 % des handicaps sont invisibles. “Seuls 2 % sont en fauteuil roulant. Or, on constate toujours autant de violences autour des places de stationnement pour personnes handicapées, entre les usurpateurs et celles qui doivent prouver leur handicap.” Si toutes les places leur sont désormais gratuites, le nouveau système de contraventions automatiques les met dans l'embarras : “Le système est censé leur éviter de récupérer un ticket or les sulfateuses ne les prennent pas en compte… L'idée est là, mais la mise en œuvre coince.” Et Céline Genzwurker-Kastner de rebondir : “Ce qui crispe les relations, ce sont les comportements récurrents contraires au Code de la route comme le stationnement sur trottoir ou piste cyclable. S'il était respecté, la mobilité serait plus fluide, y compris pour les personnes handicapées. Il s'agit de sensibiliser les usagers à leur vulnérabilité respective et de penser les villes, leur construction et leur aménagement pour garantir une mobilité pour tous.” Et de considérer ainsi l'accès à la mobilité pour tous comme un droit.