Des joggeurs sur les avenues, des cyclistes sur les trottoirs, des enfants trottinant au milieu de la chaussée… Le confinement a mis à mal les règles de bonne conduite dans le partage de l'espace urbain ! Les citadins ont aussi apprécié d'entendre à nouveau le chant des oiseaux, d'observer des scènes aussi insolites que des canards dandinant en plein centre-ville, de ressentir une meilleure qualité de l'air aussi… Mais que retiendront-ils le “jour d'après” ? Quand pour la première fois de notre histoire contemporaine, depuis la deuxième guerre mondiale, le monde s'est mis à l'arrêt, privé de son droit le plus élémentaire d'aller et venir, cela laisse forcément des traces. “La crise du Coronavirus est avant tout un choc de responsabilité dans notre rapport consumériste à la mobilité. Elle va nous aider à être plus responsable”, estime ainsi Mathieu Flonneau, maître de conférences en histoire contemporaine à l'Université Paris-I Panthéon-Sorbonne et président de l'association T²M (Mobilities and Materialities Annual) dans les colonnes du Figaro.
LA PEUR DES TRANSPORTS EN COMMUN…
Si la question des déplacements au-delà de 100 km ne se posait pas réellement encore lorsque nous écrivions ces lignes, l'on s'interrogeait déjà sur nos déplacements quotidiens.
“Le grand vainqueur du déconfinement, ce sera le vélo, et c'est une très bonne nouvelle, commente Jean-François Virot Daub, directeur général de Citiz Grand Est, société d'autopartage. Le deuxième vainqueur sera le télétravail : nombre de sociétés l'ont expérimenté durant le confinement et devraient y avoir recours plus largement. La conséquence de ces deux éléments, c'est que les Français, du moins les citadins, vont s'interroger sur la nécessité d'avoir une voiture personnelle”.
Selon un sondage en ligne commandé par Cyclofix, entreprise de réparation de vélos et trottinettes électriques, presque un tiers des Français (29 %, soit 12,1 % de cyclistes et 16,9 % de piétons) affirmaient ainsi qu'ils allaient opter pour des moyens de transport durables après le 11 mai.
La marche et le vélo seraient préférés aux transports en commun, à la voiture ou aux deux-roues motorisés, dont l'utilisation baisse de 11 %. Le vélo enregistre la plus forte hausse avec 57 % d'intention en plus au niveau national.
Son taux d'utilisation doit passer de 7,7 % à un peu plus de 12 %, selon l'enquête. Et pour presque la moitié de ces nouveaux cyclistes (44 %), il deviendrait le moyen de transport à long terme. Une tendance encore plus marquée dans les grandes villes françaises. La maire de Paris, Anne Hidalgo, a souhaité réaménager l'espace urbain, à la faveur de la petite reine.
La marche et le vélo devraient augmenter de 10 points après le 11 mai selon l'enquête.
L'utilisation des transports en commun devrait, elle, dégringoler de 63 %. Une tendance à confirmer par mauvais temps néanmoins ! “J'ai toujours été une cycliste météo-dépendante, avoue ainsi Caroline Garnon, directrice d'agence associée. S'il pleut, je n'hésite pas à prendre ma voiture pour aller au bureau et à payer le stationnement. Je ne suis pas certaine que cela changera avec le déconfinement !”
Elle a néanmoins regardé son quartier autrement. “Durant le confinement, j'ai réalisé que j'avais tout ce dont j'avais besoin à proximité de mon domicile, confirme-t-elle. J'ai tous les commerces de bouche nécessaires, un fleuriste, un libraire… J'en avais conscience avant, mais par manque de temps, je privilégiais la facilité de tout trouver au même endroit. Je ne sais pas si je vais continuer ‘après', mais de manière ponctuelle, oui. »
AUTRE MANIÈRE DE SE DÉPLACER, AUTRE MANIÈRE DE CONSOMMER
D'autres ont repensé leur manière de consommer et de bouger, comme en témoigne
Emilie Wolf. “Moins circuler c'est aussi moins et mieux consommer. C'est aussi mieux vivre et j'aime cette idée. Ça me rassure et je prends le temps de réfléchir à ce dont j'ai vraiment envie. Si je prends ma voiture c'est pour partir en voyage ou me déplacer dans une ferme où je pourrai acheter des produits locaux. Sinon pourquoi ne pas poursuivre après le confinement avec des livraisons à domicile de produits locaux ? Un moyen de contourner les supermarchés et la grande distribution impersonnelle et néfaste pour les petits commerces”.
“Depuis le confinement, les Français souhaitent que le monde d'après soit différent, plus vert, plus respectueux. La diminution de la pollution de l'air a été saluée par l'opinion, confirme Jean-François Virot Daub. Cela peut être une vraie dynamique pour une mobilité alternative.”
Et dans les campagnes ? “Là, il faudra travailler à une véritable offre complémentaire à la voiture personnelle”, reconnaît-il. Comme en témoigne Aude Bloch, habitante d'Obernai.
“Désormais on anticipe et on rentabilise nos déplacements pour ne sortir qu'une fois et pour tout en même temps. Cela nous prouve que c'est possible d'être efficace. Mais les sorties 'plaisir' m'ont manqué, pour juste manger une glace, se balader en ville, faire un shopping impromptu... C'est un comportement non responsable que j'ai repris avec plaisir. Si effectivement ce type de déplacement est polluant pour pas grand-chose, il permet néanmoins de faire vivre les commerces de proximité au lieu d'Amazon. Quand on a une pulsion shopping on va l'assouvir sur l'ordi en confinement et c'est bien moins sympa que de faire travailler les voisins et surtout de garder le contact humain.”
Se pose aussi la question de l'avenir du covoiturage et de l'autopartage. “Le covoiturage n'a jamais été interdit pendant le confinement, mais dès le début, nous avons invité nos 18 millions de membres à ne pas covoiturer et bloqué l'utilisation à un passager par voiture, précise un porte-parole du leader mondial Blablacar. Avec le déconfinement, nous imposons toujours cette règle en plus du port du masque obligatoire. Nous restons prudents et tablons sur un retour lent et progressif.”
Comment faire respecter les gestes barrières en covoiturant ? Un nouveau modèle doit être inventé pour continuer à répondre à un réel besoin, notamment chez les jeunes.
Quant à l'autopartage, le directeur général de Citiz voit dans cette crise une nouvelle dynamique.
“Nous avons mis en place un protocole sanitaire, en désinfectant les véhicules et en sensibilisant les utilisateurs à une vigilance collective, par le port du masque en conduisant, l'utilisation du gel hydroalcoolique et de lingettes désinfectantes sur le plastique des voitures. L'autopartage peut être une vraie réponse pour ceux qui ont choisi de prendre le vélo, de télétravailler et qui n'auront plus la nécessité d'avoir une voiture au quotidien”.
Car si nul ne peut prédire l'avenir, une seule chose reste certaine : il va nous falloir apprendre à vivre avec le virus…