Distraction et inattention au volant

Conduire un véhicule requiert la plus grande concentration ; or, trop de conducteurs sont distraits de leur activité principale, la conduite, par des activités secondaires.

15/06/2016
5 minutes

Il existe de nombreuses sources de distraction lorsqu'un conducteur est au volant de son véhicule : manger ou boire, fumer, se maquiller, enlever sa veste ou son pull… Mais aujourd'hui, la société nous demande de gérer au mieux notre temps, devenu une ressource rare. Pour la plupart d'entre nous, cela signifie, entre autre, d'être toujours joignable. Pouvoir rester en contact permanent avec son entourage privé ou professionnel est devenu une nécessité absolue. Nous utilisons souvent la voiture comme prolongement de notre salon ou de notre bureau. Les fabricants, pour répondre à la demande ou l'anticiper, perfectionnent leurs systèmes d'infos-divertissement de bord. La tentation est donc grande de se laisser distraire au volant par d'autres activités. L'essor récent, au niveau mondial, de l'utilisation du téléphone portable au volant pose de plus en plus de problèmes de sécurité.

Un sondage récent* indique que 2 salariés sur 3 téléphonent au cours de leurs déplacements professionnels et que seulement 20 % le font uniquement à l'arrêt. Les usagers sous-estiment très largement le risque qu'ils prennent et qu'ils font subir aux autres en utilisant leur téléphone en conduisant. Beaucoup s'imaginent que le danger réside dans la manipulation physique du téléphone – le fait de le tenir en main – et considèrent que la solution est d'utiliser un dispositif intégré au véhicule ou au casque…

LA MENACE : LE DÉFAUT D'ATTENTION

Tenir un objet en main va forcément compliquer la tâche du conducteur pour manœuvrer son volant s'il doit éviter un obstacle qui surgit. Il le fera forcément moins bien (s'il y arrive) et avec un temps de retard. Le problème n'est cependant pas limité à l'action de la main ou sa position sur le volant mais le danger vient essentiellement de la charge mentale qu'une conversation à distance fait subir au cerveau. La menace vient donc du défaut d'attention. Lorsqu'on téléphone, 80 % des capacités de notre cerveau sont mobilisées, la conversation à distance induit des mécanismes automatiques de pensée qui font que notre esprit se projette, imagine l'interlocuteur, l'endroit où il est, “voit son visage”. En fait, on est ailleurs, et tout juste capable d'assurer les tâches de conduite routinières, comme si on était en pilotage automatique. Les résultats d'une étude** montrent que les personnes qui téléphonent en conduisant enregistrent 30 % d'informations en moins (aucune différence de performances au test n'a pu être mise en évidence entre l'utilisation du bluetooth, de l'oreillette, du haut parleur du téléphone ou du téléphone tenu contre l'oreille).

PARLER, ÉCRIRE, PHOTOGRAPHIER : BIEN TROP RISQUÉ !

Les téléphones de dernière génération, comme les smartphones, sont des mini-ordinateurs qui permettent de multiples utilisations :

  • parler, la fonction de base de tout téléphone ;
  • écrire des textos et des mails (26 % des conducteurs le font, 51 % chez les 25-34 ans), utiliser des applications (programmes, logiciels, internet et réseaux sociaux) ou même paramétrer un GPS (36 % le font en conduisant). Écrire fait quitter la route des yeux pendant 5 secondes, soit la longueur d'un stade de football si on roule à 90 km/h, le risque d'accident est alors multiplié par 23. À titre de comparaison conduire avec un taux d'alcoolémie de 0,8 g/l multiplie le risque par 10 ;
  • prendre des photos. Les selfies (se prendre soi-même en photo) sont en train de devenir une pratique très prisée des jeunes, même au volant ! Selon une enquête*** auprès des Européens de 18 à 24 ans, 1 sur 4 reconnaît s'être déjà pris en photo alors qu'il conduisait (28 % pour les Français) et 43 % des jeunes français admettent prendre des photos en conduisant.

DES CONSÉQUENCES DRAMATIQUES

Conduire requiert une concentration permanente pour traiter et interpréter un grand nombre d'informations. Une seconde d'inattention peut avoir des conséquences dramatiques, notamment lorsqu'intervient un événement de circulation que le conducteur est censé détecter, analyser et interpréter, avant d'y réagir de façon appropriée, le tout, très rapidement. Encore faut-il que son attention soit intégralement disponible et non pas mobilisée par ailleurs. Le “défaut d'attention” est à l'origine de beaucoup d'accidents corporels. Le temps de réaction, qui est d'une seconde si tout va bien, est augmenté de plusieurs secondes (2 à 4 fois plus). La conséquence est un allongement de la distance d'arrêt. À 50 km/h, avec un temps de réaction d'1 seconde, on met 28 mètres pour s'arrêter dans les conditions optimales. Avec 2 secondes, ce sera 42 mètres.

C'est mathématique et imparable… D'autres tâches sont perturbées. Par exemple, le temps passé sur la voie de dépassement est sensiblement plus important, en raison d'une vitesse moyenne plus faible et les rabattements moins fréquents. Par ailleurs la variation de la trajectoire du véhicule, très sensible à des baisses d'attention liées à une distraction ou à une diminution du niveau d'éveil, est plus importante.

DES RÉFLEXES À ADOPTER

“L'omniprésence des téléphones portables dans la vie quotidienne s'accompagne d'un manque d'autorégulation de la part de leurs utilisateurs, y compris dans des situations où cela risque de les mettre en danger” analyse Bernadette Moreau, Déléguée générale de la Fondation Vinci Autoroutes. Face à cette pratique aujourd'hui répandue, quelques réflexes simples méritent d'être adoptés par les conducteurs :

  • anticiper, mieux s'organiser, s'arrêter : téléphoner avant de prendre la route, lors des pauses ou passer la communication ou le volant à un tiers lorsque c'est possible ;
  • informer ses interlocuteurs : avant le départ, activer un message vocal indiquant l'impossibilité de décrocher en cas d'appel ;
  • protéger ses interlocuteurs : lorsque la personne appelée se trouve en situation de conduite, lui proposer systématiquement de la rappeler.

TÉLÉPHONE ET OREILLETTES : STRICTEMENT INTERDITS

Dans le cadre d'une enquête, une réquisition auprès de l'opérateur téléphonique pourra fournir des informations sur l'utilisation du téléphone (voix, sms, internet) au moment de l'accident. Cela pourra avoir des conséquences dans la procédure (le défaut d'attention pourra être retenu comme circonstance de responsabilité) et dans le cadre de l'indemnisation par l'assurance. Depuis le 24 juin 2015 (décret n° 2015-743) “l‘usage d'un téléphone tenu en main par le conducteur d'un véhicule en circulation est interdit. Est également interdit le port à l'oreille, par le conducteur d'un véhicule en circulation, de tout dispositif susceptible d'émettre du son, à l'exception des appareils électroniques correcteurs de surdité” et le fait, pour tout conducteur, de contrevenir aux dispositions du présent article est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe (135 €) et donne lieu de plein droit à la réduction de trois points du permis de conduire.

Il conviendra de rappeler qu'aucun outil de téléphonie n'est autorisé aux cyclistes en circulation et que si les piétons ne sont pas concernés par cette disposition, il leur est vivement conseillé lors de leurs déplacements d'être vigilant.

* Sondage IFOP pour l'association PSRE/sécurité en entreprise.
** À la demande de la Fondation Vinci Autoroutes pour une conduite responsable, une étude a été menée par le Centre d'investigations neurocognitives et neurophysiologiques de l'Université de Strasbourg.
*** Enquête réalisée par Ford en 2014.
© David Pereiras – Shutterstock

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