L'alcool est toujours responsable d'un quart des accidents mortels : depuis dix ans, cette triste statistique n'évolue pas
Dès le premier verre, l'alcool agit sur notre cerveau. Si la vitesse est la première cause des accidents de la route, la docteure Anne-Marie Gallot, conseillère santé à la délégation de la Sécurité routière, rappelle à juste titre que : « L'alcool au volant est la deuxième cause d'accident, juste après la vitesse, et il y a un lien entre les deux. L'alcool a un effet désinhibiteur dès le premier verre : la personne sous-estime les risques, surestime ses capacités, roule plus vite, et parfois oublie même de boucler sa ceinture ou de mettre son casque. »
Le risque d'être responsable d'un accident mortel est multiplié en moyenne par 18 chez les conducteurs alcoolisés. De quoi réfléchir à deux fois avant de prendre le volant après deux verres… « L'alcool agit sur les fonctions cognitives, or lorsque l'on conduit, il faut rester vigilant en permanence et être capable de prendre des décisions très rapides. Dès le premier verre, l'alcool agit directement sur le cerveau sans que la personne ne s'en rende compte. »
Le risque d'être responsable d'un accident mortel est multiplié en moyenne par 18 chez les conducteurs alcoolisés
Adoptée en novembre dernier, la recommandation de la commission Santé du Conseil national de la sécurité routière préconise un message sans ambiguïté : dès lors que l'on prend le volant, c'est zéro gramme d'alcool dans le sang. « Le plus simple est de ne pas consommer d'alcool avant de conduire », estime la docteure Anne-Marie Gallot. « C'est se faire des nœuds au cerveau que d'estimer le taux d'alcool selon son poids, sa taille, l'heure du dernier repas et l'étalement des prises, car l'alcool agit rapidement sur le cerveau et les conséquences peuvent être dramatiques : on peut tuer, rendre quelqu'un infirme et se retrouver ainsi aux Assises, perdre son emploi, sa famille et se retrouver, en plus, soi-même à l'hôpital. »
Spécialiste en addictologie et chef du service de psychiatrie et d'addictologie de l'hôpital Paul-Brousse (AP-HP), le professeur Amine Benyamina n'y va pas par quatre chemins : « La politique de prévention n'est pas à la hauteur des dommages qu'engendre ce produit en France, insiste-t-il. Si la consommation a baissé depuis les années 50-60, la France reste le plus gros consommateur de l'OCDE, avec 42 000 personnes, dont 15 000 femmes, qui en meurent chaque année. L'alcool est consommé par des personnes malades : 60 % du volume est consommé par 10 % de Français. Les industriels font donc leur chiffre avec des personnes malades. »
Le levier le plus efficace en termes de prévention serait selon lui la pression fiscale, « comme cela se fait dans d'autres pays, et comme nous le faisons avec le tabac. » Parce que les risques liés à la consommation d'alcool sont bien réels rappelle-t-il : « L'alcool touche le cerveau, le cœur, le système cardiovasculaire, l'appareil digestif et est responsable d'une soixantaine de développement de cancers et de maladies très étrangères à la consommation d'alcool, comme le cancer du sein ou la fracture du col de fémur. Sur le plan social, l'alcool est responsable de 130 milliards d'euros de dépenses par facteurs directs (maladie, soins) ou indirects, comme des arrêts de travail, contre 30 milliards d'euros de recettes. »
Si la consommation a baissé depuis les années 50-60, la France reste le plus gros consommateur de l'OCDE, avec 42 000 personnes, dont 15 000 femmes, qui en meurent chaque année
Pour lutter contre ce fléau, la docteure Anne-Marie Gallot voit d'un bon œil la multiplication des messages tels les percutants « Sam, celui qui conduit, c'est celui qui ne boit pas » ou « Quand on tient à quelqu'un on le retient. »
Des initiatives comme le Dry january ont aussi des conséquences positives : « Avoir une consommation régulière d'alcool porte atteinte à sa santé », rappelle-t-elle. « En fournissant un certain effort, on découvre que l'on peut se passer de boisson alcoolisée avant de prendre le volant et que c'est une bonne chose. C'est comme pour l'arrêt de la cigarette, au début, c'est difficile, mais au bout de quelques jours, on se sent beaucoup mieux. » Un avis partagé par le professeur Amine Benyamina : « Le défi de janvier s'adresse à l'ensemble des citoyens pour expérimenter une période sèche et découvrir les bénéfices d'un arrêt de la consommation. Les retours sont importants et positifs, comme l'amélioration du sommeil, la perte de poids, les économies réalisées. On se redonne rendez-vous tous les ans, on observe une maîtrise de la consommation et une diminution de la pression sociale. Janvier est devenu une bannière pour dire non aux sollicitations plus difficiles à refuser le reste de l'année. » Le défi de janvier s'adresse à l'ensemble des citoyens pour expérimenter les bénéfices d'un arrêt de la consommation.
Un ensemble de mesures pour faire reculer l'incidence des morts sur la route sans oublier la pédagogie
Afin de faire prendre conscience des dangers de l'alcool au volant, la commission santé préconise de développer l'utilisation des éthylotests au démarrage (EAD), que ce soit dans des utilisations primaires (jeunes conducteurs, véhicules de location et d'entreprise par exemple), ou après infraction en lien avec la consommation d'alcool. « 18 000 EAD ont déjà été proposés, ça bouge », se réjouit la docteur Anne-Marie Gallot. « S'il y avait quelques réticences, il est admis maintenant que cela contribue au sevrage sans désocialiser les gens, tout en travaillant en parallèle sur leur dépendance. »
Une mesure qui pourrait être efficace selon le professeur Benyamina, corrélée à un bridage de la vitesse, « mais aussi à la refonte des routes urbaines et périurbaines pour ne pas faciliter l'accélération, car alcool et vitesse vont souvent de pair. On pourrait également commencer par interdire la vente d'alcool dans les stations-service sur les autoroutes… Cet ensemble de mesures pourrait faire reculer l'incidence des morts sur la route sans oublier la pédagogie. »
À commencer par le plus évident : « Celui qui conduit, c'est celui qui ne boit pas ».