L’automobiliste français est-il un bon conducteur ?

Si 71 % d’entre nous en sont persuadés, on constate malgré tout une hausse de la mortalité routière depuis 2 ans. La fondation Vinci Autoroutes pour une conduite responsable a réalisé un état des lieux des comportements des Français au volant*. Qu’en est-il ? Sommes-nous vraiment de bons conducteurs ?

15/05/2016
5 minutes

L'ACCIDENT DE LA ROUTE, UNE FATALITÉ ?

Depuis 1980, la mortalité routière était en baisse constante mais, depuis 2014, elle est à nouveau en hausse. Même si la grande majorité des Français en est consciente, le sentiment qu'il n'est pas possible d'améliorer cette situation s'accroît. De plus, ayant une image tellement exemplaire de leurs qualités de conducteur, les Français semblent peu disposés à se remettre en cause pour être les acteurs d'un changement. Cette complaisance envers soi-même s'accompagne d'un sentiment de toute puissance, puisque seuls 6 % d'entre eux s'estiment vulnérables sur la route. En revanche, ils se montrent nettement moins indulgents lorsqu'ils s'expriment sur le comportement des autres conducteurs (90 % citent au moins un adjectif négatif, les autres sont jugés comme “irresponsables” “dangereux” “stressés” et “agressifs”).

UNE GRANDE DISPARITÉ SUIVANT LES RÉGIONS

L'étude de la fondation Vinci montre ainsi que c'est en Ile-de-France qu'on juge le plus négativement les autres usagers. C'est d'ailleurs dans cette région que l'incivilité au volant est la plus répandue. Injurier un autre conducteur, klaxonner de façon intempestive les conducteurs, coller délibérément un autre véhicule, doubler à droite sur l'autoroute, descendre du véhicule pour s'expliquer avec un autre conducteur… Il n'est pas étonnant alors que la peur du comportement agressif d'un autre conducteur soit plus présente dans cette région. C'est en Normandie que les avis sont les plus positifs et en Bourgogne que l'on se considère le plus comme étant un très bon conducteur.

LE CONDUCTEUR SURESTIME SES CAPACITÉS

Les psychologues ont montré qu'au XXe siècle en Occident, quand un individu se compare à autrui, il estime presque toujours (et généralement à tort) être plus compétent que les autres. Il pense aussi faire plus d'efforts pour éviter ou ne pas provoquer les situations ou événements indésirables. Une analyse de l'institut GMV Conseil** révèle que cette attitude se retrouve aussi chez les jeunes de 15-30 ans (49 % estiment conduire aussi bien que leurs parents et 28 % estiment même conduire mieux). Cette croyance individuelle très répandue fait que la majorité des automobilistes se considèrent moins exposés au risque d'accident qu'autrui.

ORGUEIL ET PRÉJUGÉS

“Je supporte bien l'alcool, je maîtrise ma voiture ce qui me permet de dépasser les vitesses autorisées, je suis fatigué mais je tiens le coup, j'ai de bons réflexes…” C'est finalement ces attitudes qui engendrent bon nombre d'accidents. On rappellera que les facteurs humains apparaissent dans plus de 90 % des accidents corporels. Si 75 % des conducteurs considèrent que la conduite sous l'emprise d'alcool ou de stupéfiants est une des principales causes d'accidents mortels, ils sont quand même 16 % à admettre qu'il leur arrive de prendre le volant en étant au-dessus de la limite d‘alcool autorisée. Ce comportement à risques reste deux fois plus courant chez les hommes (22 %) que chez les femmes (11 %). L'alcoolémie positive d'un conducteur est présente dans les accidents causant 28 % des tués sur la route.

En comparaison, les excès de vitesse sont la cause principale de 26 % des accidents mortels or elle n'est évaluée comme telle que par 47 %. 92 % déclarent qu'il leur arrive de dépasser de quelques kilomètres/heures la limitation de vitesse indiquée et 76 % de ne pas respecter les distances de sécurité.

LES COMPORTEMENTS À RISQUES EN PROGRESSION

Bien que 45 % des Français considèrent l'inattention comme étant l'une des principales causes d'accidents mortels sur les routes, l'usage des distracteurs au volant continue pourtant de croître de façon inquiétante. Plus d'un conducteur sur 4 (1 sur 2 parmi les 25- 34 ans) envoie ou lit des SMS ou des mails en conduisant. La conversation téléphonique est aussi très ancrée dans les pratiques : 41 % des conducteurs téléphonent avec un système de conversation Bluetooth et un haut-parleur intégré, une pratique autorisée par la loi mais toute aussi risquée. Malgré leur interdiction depuis juillet 2015, les conversations avec une oreillette, un casque ou des écouteurs perdurent (17 %) et plus d'un conducteur sur 5 reconnaît même téléphoner sans kit mains libres alors que cette pratique est interdite depuis 2003. Si c'est en Ile-de-France que les conducteurs disposent le plus d'un GPS ou d'une application GPS sur leur smartphone (78 %, contre une moyenne nationale 66 %), c'est également dans cette région que l'on paramètre le plus son GPS tout en conduisant (47 %, moyenne nationale 36 %).

FATIGUÉ, LE FRANÇAIS CONDUIT QUAND MÊME

Les Français sont plus nombreux que l'année dernière à déclarer qu'il leur est déjà arrivé de se sentir très fatigués et de continuer leur route parce qu'ils y étaient contraints (45 %). 30 % ont déjà eu l'impression de s'être assoupis durant quelques secondes au volant et 25 % ont déjà empiété sur la bande d'arrêt d'urgence ou sur le bas-côté à cause d'un moment d'inattention ou d'assoupissement. C'est dans la région Alsace/Champagne-Ardenne/Lorraine que la plus forte part de la population est en déficit de sommeil (28 % dorment 6 heures ou moins) et ce sont d'ailleurs ceux qui ont le plus souvent eu un accident parce qu'eux-mêmes ou un autre conducteur étaient trop fatigués (7 %, contre 4 % en moyenne). Partis fatigués, les Français n'adoptent pas toujours le bon comportement pendant le trajet pour maintenir leur vigilance : seuls 41 % des conducteurs respectent la recommandation d'une pause toutes les 2 heures, 44 % ne changent que rarement ou jamais de conducteur au cours du trajet et 63 % ne s'arrêtent que rarement ou jamais pour faire une sieste.

À QUAND LES STAGES POST-PERMIS OBLIGATOIRES ?

Selon le baromètre sur la prévention routière auprès des 15-30 ans**, 84 % pensent toujours maîtriser leur véhicule, pourtant 37 % ont déjà eu un accident de la route. 39 % sont fatalistes et ne pensent pas pouvoir agir sur les risques d'accidents. Quand on leur pose la question comment prévenir les risques d'accident de la route, les jeunes envisagent des solutions d'amélioration des infrastructures (18 %) plus de contrôles et de répression (18 %) avant de citer les actions de prévention et de sensibilisation à la vitesse (14 %) et la formation (8 %). Nous voilà au cœur du problème ! Les stages de conduite sur piste post-permis obligatoires en Autriche ont permis de réduire de 30 % le taux de sinistre chez les jeunes conducteurs. Ces résultats sont confirmés par les entreprises qui ont mis en place des stages de conduite pour leurs salariés dans le cadre des plans de prévention (jusqu'à 50 % de sinistres en moins !). Il convient de préciser que ces cessions sont centrées sur la reconnaissance et l'évitement du danger et non sur la tentative illusoire de maîtrise de risque. Une proposition de loi visant à inciter les conducteurs à se former par le biais de stages de conduite sur piste a pourtant été enregistrée à la Présidence de l'Assemblée nationale le 21 septembre 2011. On attend la suite…

* 3 610 Français ont été interrogés, représentatifs de la population de chacune des nouvelles régions (Enquête réalisée par IPSOS du 1er au 4 février 2016).
** Mars 2016, publié par Allianz France.
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