Au moins 450 000 automobilistes sans permis. Aucune statistique précise n’existe sur le sujet. Seule référence officielle, une étude de 2010 de l’Observatoire National Interministériel de la Sécurité Routière (Onisr) qui indique que 450 000 conducteurs sont dans l’illégalité en France. Bien qu’important, ce chiffre reste néanmoins beaucoup moins élevé que ceux régulièrement avancés dans ce domaine. Fréquemment, on avance le chiffre de plus d’un million de conducteurs circulant en France sans le fameux sésame. La vérité doit se trouver entre ces deux chiffres. Cette approche chiffrée permet de compléter les données des services de l’Etat qui ne disposent que du nombre de conducteurs contrôlés sans permis. Ainsi en 2012, ils étaient 107 000 à être dans ce cas, soit une légère hausse par rapport à 2011 (+1,3 %).
LE PROFIL D’UN CONDUCTEUR SANS PERMIS
Les spécialistes de la sécurité routière, comme les forces de l’ordre le confirment : il n’y a pas de profil type du conducteur sans permis. Il s’agira aussi bien d’hommes que de femmes, de mères de famille que de chauffeurs routiers ou de taxi, de cadres supérieurs que d’ouvriers, de jeunes que de moins jeunes. On peut néanmoins isoler trois grands profils de conducteur qui prennent le risque de circuler sans permis :
• Les jeunes qui ne passent pas le permis soit pour des problèmes d’illettrisme soit, bien en- tendu, pour des questions d’argent.
• Des “ruraux” qui n’ont jamais eu de permis. Il s’agit souvent de personnes résidant à la campagne et qui n’effectuent que de petits déplacements sur des routes secondaires.
• Ceux à qui le permis a été retiré. Il s’agit soit de personnes qui, à la suite d’une ou plusieurs infractions ont perdu l’intégralité de leurs points et se retrouvent avec un permis invalidé. Il peut également s’agir de personnes faisant l’objet d’une suspension ou d’une annulation de leur permis suite à une décision de justice. Contrairement à ce qu’on pourrait penser la plupart des conducteurs sans permis ne l’ont pas perdu pour solde de points nuls à la suite d’une ou de plusieurs infractions. Ces conducteurs ne représentent que 30 % des sans permis (90 000 annulations pour solde de points nuls en 2012). Ainsi, 70 % des conducteurs circulant sans per- mis de conduire n’ont jamais passé l’examen.
"AVEC OU SANS, JE ROULE”
Internet regorge de témoignages de personnes qui roulent sans permis de conduire. Ils reflètent la diversité des situations et des profils.
Par exemple, Didier, commercial en matériel agricole, 53 ans, plus de 30 ans d’exercice routier et plus de 8 000 km par mois, a vu son permis invalidé suite à une multitude d’infractions. “Je continue à rouler et n’ai rien dit à mon employeur” explique-t-il. “Je fais très attention car évidemment, ce que je crains le plus, c’est l’accident. Je vis très mal cette situation.”
Sarah a 22 ans, elle a raté son permis de conduire plus de cinq fois. Elle doit donc repasser entièrement le Code de la route, elle a baissé les bras. “J’en ai marre, j’avais l’impression de ne jamais en finir. C’était une claque à chaque fois que je le passais. Avec tout l’argent que j’ai mis dedans j’aurais pu carrément m’ouvrir un Plan d’épargne logement. J’ai mis un peu plus de 10 000 euros et je ne l’ai toujours pas.” “Je suis désolée”, poursuit-elle, “à un moment il fallait que j’avance dans ma vie. Je sais conduire, donc je conduis sans permis depuis un an et demi… Dans ma tête c’est comme si j’étais en règle.”
“Je m’en veux tous les jours”. Le regard et le remord que porte aujourd’hui Davis, sur les verres qu’il a bu en trop avant de prendre le volant il y a quelques mois, est sans appel. Soirée bien arrosée, gendarmes, éthylotest, justice. L’enchaînement lui a valu l’annulation de son permis de conduire. Pourtant, ce chef d’entre- prise qui pourra se représenter à l’examen du permis de conduire dans quelques mois, prend quand même le volant. “Je n’ai pas le choix. J’habite à plus de 30 kilomètres de mon lieu de travail et l’amplitude horaire de mon emploi du temps ne me permet pas de prendre les transports en commun”, explique l’automobiliste qui reconnaît "stresser”, dès qu’il croise une voiture de police ou de gendarmerie. “Par chance, la police ne m’a jamais arrêtée, mais c’est la panique à chaque fois. Mais si je ne conduis pas, je ne peux plus travailler, je ne peux plus gérer mon entreprise”, avance-t-il. “J’ai été obligé d’expliquer ma situation à mes proches et à mes collaborateurs pour justifier du fait que je ne puisse pas prendre le volant tout le temps. Mais pour certains rendez-vous, je suis obligé de conduire. Je ne peux pas prendre le taxi à chaque fois, ce serait trop cher”.
LE CONDUCTEUR SANS PERMIS EST-IL PLUS DANGEREUX ?
Oui et non, selon les chiffres de l’Onisr. Si seulement 2,2 % des conducteurs sans permis sont impliqués dans des accidents corporels et 3,8 % dans des accidents mortels, leurs accidents sont souvent plus graves. Soit un accident mortel pour 10 accidents corporels lorsqu’au moins un conducteur est sans permis, contre un accident mortel pour 18 accidents corporels si tous les conducteurs ont leur permis. L’autre dangerosité des conducteurs sans permis, c’est leur caractère “multi-infractionniste”, remarque l’Onisr. La présence d’alcool, notamment, est constatée chez 30 % des conducteurs sans permis impliqués dans un accident, une proportion qui monte à 44 % pour la population faisant l’objet d’un retrait de per- mis. La même proportion n’est que de 6 % pour les détenteurs du permis de conduire.
DE LOURDES CONSÉQUENCES
Sans permis de conduire, un automobiliste n’est, bien évidemment, pas assuré. Dès lors, aucun remboursement n’est envisageable en cas d’accident, que ce soit pour ses dommages corporels ou matériels. En cas d’accident impliquant des tiers, c’est le Fond de Garantie des Assurances Obligatoires (FGAO) qui prend en charge le remboursement de ces derniers au nom de la solidarité nationale. Mais ensuite le FGAO exige du responsable le remboursement des sommes versées, lesquelles peuvent par- fois être considérables. C’est ainsi que certains automobilistes et leurs familles se retrouvent endettés à vie. En outre, conduire sans per- mis est un délit sévèrement puni par la loi. La conduite d’un véhicule alors que le permis a été suspendu, annulé ou invalidé est punie de deux ans d’emprisonnement et de 4 500 € d’amende. La conduite d’un véhicule sans avoir obtenu son permis de conduire est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende. Les peines complémentaires suivantes sont également applicables : confiscation du véhicule, peine de travail d’intérêt général, interdiction de conduire pour une durée de 5 ans ou plus, obligation de participer à un stage en peine complémentaire.