Le français est-il devenu meilleur conducteur ?

C'est la question que l'on peut légitimement se poser à la lecture du bilan 2013 qui a été récemment dévoilé par l'Observatoire National Interministériel de la Sécurité Routière (ONISR).

10/10/2014
5 minutes

Moins de morts, moins de PV
Un nouveau seuil a été franchi pour la première fois en 2013, celui des 3 300 tués sur les routes en France (3 268 pour être très précis). Ce chiffre est à rapprocher de celui des infractions commises qui, lui également, est en diminution. Plus de 24,5 millions d'infractions (délits et contraventions) au Code de la route ont été relevées en 2013 soit une baisse de 7,2 %. Ce chiffre est quasi équivalent à celui de 2011 année qui, pourtant, avait totalisé 700 morts de plus. Ce constat serait-il la preuve que les conducteurs sont plus prudents ? On peut le penser, d'autant plus que la plupart des infractions sur lesquelles s'appuyaient le gouvernement pour justifier sa politique de répression est en baisse. C'est notamment le cas des excès de vitesse relevés par radar automatique, toujours à la 1ère place des infractions commises, mais qui diminuent de 8,3 % par rapport à 2012 (10 593 787 contraventions). Les excès de vitesse relevés directement par les forces de l'ordre aux bords de nos routes sont eux également en nette diminution (933 649 soit - 9,5 %). Il en va de même pour le non-respect d'un feu rouge qui est en baisse, qu'il soit constaté par un radar (632 425, - 7 %) ou, manuellement, par les forces de l'ordre (117 563, - 16 %). La conduite avec un taux d'alcoolémie compris entre 0,5g/l et 0,8g/l de sang diminue, quant à lui, de 5 % (101 320). L'usage du téléphone au volant tenu en main est également en forte baisse (438 814, - 10 %). On peut encore citer l'inobservation de l'arrêt absolu à un stop qui diminue de 8 %, la circulation en sens interdit (- 8 %) et le franchissement d'une ligne continue (- 9 %). Si, globalement, ces chiffres laissent entendre qu'il y a une vraie prise de conscience de la part du conducteur français et un vrai impact sur ses habitudes de conduites ils méritent néanmoins d'être nuancés.

Les délits en hausse
Si le nombre de contraventions a baissé, celui des délits (579 879) a par contre augmenté de 5 %. Le phénomène est inquiétant et concerne les délits de fuite après un accident (137 768, + 7 %), la conduite d'un véhicule sans assurance (87 719, + 8 %), la conduite d'un véhicule sans permis (72 954, + 7 %), la conduite d'un véhicule après usage de stupéfiants (31 295, + 9 %), la circulation avec un véhicule muni de plaques d'immatriculation attribué à un autre véhicule (32 065, + 16 %), etc.
A noter, cependant, que la conduite délictuelle d'alcoolémie avec un taux supérieur à 0,8g/l de sang diminue de 1 % (138 378) et les excès de vitesse de plus de 50 km/h en récidive ont quasiment disparu (37 cas constatés seulement en 2013).

Permis invalidés

Au total, 85 189 permis ont été invalidés pour défaut de points en 2013 (- 5,5 %), dont 16 758 permis probatoires. La quasi-totalité des conducteurs qui perdent l'usage de leur permis de conduire sont souvent auteurs d'infractions lourdes. Contrairement à ce qu'on pourrait penser, il est rare de voir son permis invalidé pour avoir commis une succession de 12 excès de vitesse de 20 km/h entrainant chacun une perte de 1 point. Cela n'a concerné que 41 personnes en 2013.

Petite note d'optimisme : l'an passé, 7.5 millions de conducteurs ont récupéré leur capital de 12 points. Comparé à 2012, cela représente 386 000 conducteurs de plus. Rappelons également que 75 % des conducteurs en France disposent de l'intégralité de leurs points sur leur permis de conduire.

Ces chiffres sont-ils vraiment le reflet du changement du comportement du conducteur. En partie, sans doute, mais ils s'expliquent également par un autre phénomène.

Moins de contrôles, moins de radars en état de fonctionnement
Si l'on prend pour exemple les deux facteurs principaux d'accident en France, l'alcool et les excès de vitesse, le constat est sans appel.
Concernant l'alcool, pour la deuxième année consécutive, le nombre de contrôle d'alcoolémie est en baisse (- 38 %). Etonnant alors que l'alcool est présent dans près d'un accident mortel sur deux.
En moyenne un automobiliste français se fait contrôler pour alcoolémie une fois tous les 5 ans. C'est très peu. Il ressort d'une enquête menée par l'Automobile Club Association et l'Argus en 2013 que la conduite en état d'ébriété n'est de loin pas anodine puisqu'un conducteur sur deux reconnaît avoir déjà conduit en état d'alcoolémie. Concernant les contrôles, 25 % des conducteurs interrogés ne se sont jamais fait contrôlés préventivement pour alcoolémie. Les autres se sont déjà fait contrôlé mais dans un intervalle de temps entre 2 et 10 ans.
Pour un conducteur attrapé, combien passent à travers les mailles du filet ? Beaucoup, puisqu'on estime le nombre de conducteurs qui circulent chaque jour avec une alcoolémie supérieur au taux légal à plus de 500 000.
En France les contrôles préventifs d'alcoolémie sont trop peu nombreux pour présenter un vrai caractère dissuasif. Plus d'un conducteur sur deux estime « peux probable » ou très peu probable » le risque d'être contrôlé pour alcoolémie.Concernant les excès de vitesse, les radars automatiques ont en grande partie moins « flashé » pour des raisons techniques. L'explication : les nombreuses dégradations volontaires et le moins bon entretien des radars suite à un changement de prestataire en cours d'année. A titre d'exemple, sur le seul mois de juin 2013, 800 radars automatiques, soit 20 % du parc, étaient défectueux

Un risque en chasse un autre
Les chiffres de la sécurité routière se sont améliorés, c'est indéniable. Mais, paradoxalement, la part de bons conducteurs n'a pas vraiment augmenté : ceci s'explique en partie par l'apparition de nouveaux risques. C'est ce qui ressort d'une étude menée par la compagnie d'assurance AXA qui laisse apparaître qu'en effet, depuis 10 ans, l'usage du téléphone a révolutionné les habitudes de conduite, puisque 34 % des conducteurs reconnaissent téléphoner au volant contre 18 % en 2004. Sa fréquence d'utilisation a presque été multipliée par 2. Et d'autres comportements à risque, comme la conduite de nuit et/ou en état de fatigue, sont toujours trop relativisés par les automobilistes. A titre d'exemple, 30 % des conducteurs admettent conduire 4 à 5 heures d'affilée sans s'arrêter (ce chiffre n'était que de 23 % en 2004).
La conduite en ville reste inchangée entre 2004 et 2014, notamment concernant le non-respect des limitations de vitesse et du feu orange. Un automobiliste sur deux roule toujours à plus de 65 km/h en ville et 3 sur 4 ne s'arrêtent pas systématiquement au feu orange.
Autre phénomène qui concerne plus particulièrement les jeunes. Ils banalisent plus que leurs aînés les risques liés à la conduite de nuit (62 % reconnaissent prendre le volant en état de fatigue contre 47 % chez l'ensemble des automobilistes) et/ou sur de longues distances, risques auxquels ils sont pourtant largement plus exposés. Ils sous-estiment aussi davantage le danger des smartphones et restent toujours connectés en conduisant. 57 % déclarent d'ailleurs téléphoner au volant (contre 34 % chez l'ensemble des automobilistes).

Il est par conséquent difficile de conclure que le conducteur français se soit vraiment amélioré. Cependant, on s'en poindre une amorce de changement dans les habitudes et comportements de conduite. Ce phénomène devra continuer à être observé et analysé car, s'il perdure, il ne pourra qu'être suivi d'un infléchissement de la politique de sécurité routière actuellement menée.

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